Aller au contenu

Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/434

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
432
[1649] MÉMOIRES

les autres qui se pourroient remettre en négociation.

Cette déclaration assez informe ne s’expliqua point pour ce jour-là plus distinctement, parce qu’il étoit plus de cinq heures du soir quand elle fut achevée (quoiqu’on fût au Palais dès les sept heures du matin), et parce que le peuple étoit si fort animé que l’on appréhendoit qu’il n’enfonçât les portes de la grand’chambre. On proposa à M. le premier président de sortir par les greffes, par lesquels il se pourroit retirer en son logis sans être vu. À cela il répondit ces mots : « La cour ne se cache jamais. Si j’étois assuré de périr, je ne commettrois pas cette lâcheté, qui de plus ne serviroit qu’à donner de la hardiesse aux séditieux. Ils me trouveroient bien dans ma maison, s’ils croyoient que je les eusse appréhendés ici. » Comme je le priois de ne se point exposer que je n’eusse fait mes efforts pour adoucir le peuple, il se tourna vers moi d’un air moqueur, et il me dit cette parole mémorable : « Hé ! mon bon seigneur, dites le bon mot. » Il me témoignoit assez par là qu’il me croyoit auteur de la sédition : en quoi il me faisoit une horrible injustice. Je ne me sentis pourtant en cette occasion touché d’aucuns mouvemens, que de celui qui me fit admirer l’intrépidité de cet homme, que je laissai entre les mains de Caumartin, afin qu’il le retînt jusqu’à ce que je revinsse à lui.

Je priai M. de Beaufort de demeurer à la porte du parquet des huissiers, pour empêcher le peuple d’entrer et le parlement de sortir. Je fis le tour par les buvettes[1], et

  1. Les buvettes : Les buvettes du parlement étoient des lieux où les magistrats alloient se chauffer, et prendre de léger repas. Il n’y avoit qu’eux qui pussent y entrer ; mais il y avoit d’autres buvettes pour les