Aller au contenu

Page:Pichot - Monsieur de l'Etincelle, ou Arles et Paris, t. II, Gosselin, 1837.djvu/434

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une mère, mais qui n’en pleurera pas moins amèrement celle qu’elle vient de perdre… Ah ! mon enfant, qu’il me tarde de vous serrer tous deux sur mon cœur désolé, de pleurer avec vous mon Odille qui m’avait quittée si heureuse il y a dix-huit ans, et qui n’est revenue que pour m’apporter ses dernières larmes et son dernier soupir !

» Voilà six mois qu’elle souffrait ou languissait, sans sortir de la chambre occupée autrefois par notre tante la religieuse, ne voulant voir que moi et le vieux père Vincent, son ancien directeur, me défendant de parler d’elle autrement que comme morte, et se regardant elle-même comme une âme en peine, à qui Dieu permettait de communiquer quelque temps encore avec sa sœur !

» Tu sais la cause de cette singulière exaltation que j’espérais toujours calmer par mes soins, et en entrant dans ses idées avec la complaisance qu’on doit à une malade ! Ah ! que Maurice s’est trompé s’il a cru que la femme qu’il abandonnait ainsi était celle qui, par caractère, devait le plus facilement se consoler dans son malheur ! Mais je ne l’accuse pas, garde-toi de l’accuser jamais, mon fils, c’est la recommandation que me faisait la pauvre Odille lorsqu’il m’échappait de la plaindre. Ah ! qu’elle se traitait sévèrement pour justifier celui à qui elle s’est sacrifiée avec une abnégation si héroïque !… Si je m’étonnais de cette abnégation, comme elle s’empressait d’en rabattre le mérite en l’attribuant à une orgueilleuse jalousie, ou en exaltant cette belle créole qu’elle bénissait comme ayant été l’ange consolateur de Maurice proscrit et cruellement abusé !

» Qu’il m’a fallu, mon cher Paul, de tendresse et de pitié pour lutter contre cette mélancolie de ma