Aller au contenu

Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
INTRODUCTION DE LA LÉGISLATION FRANÇAISE

délègue un « agent municipal ». Un « commissaire national » représente le gouvernement auprès de chaque municipalité de ville ou de canton. Dans chaque canton, la justice est rendue par un juge de paix. Au-dessus d’eux il y a par département un tribunal criminel, un tribunal civil et de trois à six tribunaux correctionnels.

À cette machine toute neuve, il appartient d’appliquer les lois votées en France puisqu’elles sont devenues celles de la Belgique. Elles sont innombrables et touchent à toutes les parties de l’ordre social. C’est pourquoi il importe de ne les promulguer qu’ « avec une sage lenteur ». Il en est de tout à fait essentielles et qu’il faut introduire immédiatement. Pour d’autres, qui heurteraient trop brutalement les « préjugés » du peuple, on attendra qu’il les puisse recevoir sans dommage. Le Directoire s’inspire en ceci d’un opportunisme qui tient compte plus encore de l’intérêt de la France, que de celui des départements réunis. Plus ils sont précieux, plus il convient de les ménager. « Si nous ne savons pas nous assurer la mine féconde que la ci-devant Belgique nous ouvre, écrit Bouteville, alors et seulement alors pourrions-nous concevoir de véritables craintes sur le salut de l’affermissement de la République », et plus loin il affirme que « la ci-devant Belgique est la véritable ressource pour la restauration de nos finances »[1].

La promulgation commença au mois d’octobre 1795. Elle débuta naturellement par les lois qui, dès l’origine de la Révolution, avaient sapé les fondations de l’Ancien Régime. La Belgique eut sa nuit du 4 août par voie d’arrêtés. Les plus « bienfaisantes » des lois françaises, c’est-à-dire celles qui abolissent la féodalité, les dîmes, le retrait lignager, les substitutions, les maîtrises et les jurandes y furent coup sur coup décrétées. Nul effort d’ailleurs pour les adapter aux particularités locales du pays. La nomenclature des droits féodaux supprimés en comprend quantité dont on n’avait jamais entendu parler en Belgique et n’en mentionne pas d’autres qui

  1. Registre n° 1 de sa Correspondance aux Archives générales du royaume, n° 56.