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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/118

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LA RÉUNION

aspiraient à jouer un rôle proportionné à leur importance. C’est parmi eux que s’était constitué le parti démocrate dont Vonck avait été l’interprète et qui réclamait, avec l’accession du peuple au suffrage, la constitution d’une assemblée nationale[1]. Écrasé au début de la Révolution brabançonne, il avait espéré un instant, grâce à Dumouriez, pouvoir réaliser son programme. Mais ses tentatives, on l’a vu, avaient échoué, contrariées par l’opposition des « statistes » et les menées des commissaires de la Convention. On n’avait pu, au milieu des passions surexcitées, organiser d’élections régulières, et la Belgique s’était montrée incapable de se donner une représentation nationale.

La pratique du droit électoral auquel elle fut appelée pour la première fois le 21 mars 1797 y est donc, comme tant d’autres innovations politiques, une importation française. Ce que les Belges n’avaient pas voulu recevoir de leurs compatriotes leur fut imposé par l’étranger. Ils avaient repoussé le programme de Joseph II comme celui de Vonck. La République les soumit à l’un comme à l’autre, en leur donnant ses lois. Au nom des droits de l’homme, elle avait détruit tous ces « corps intermédiaires », tous ces groupements privilégiés qui s’étaient si jalousement réservé, au nom de leur prétendue souveraineté, l’exercice du pouvoir politique. Elle ne reconnaissait plus que des citoyens : elle uniformisait la vie publique comme la vie civile. Il ne subsistait dans son sein que des individus tous égaux, sinon en fait, du moins en théorie, puisque les différences qu’elle établissait entre eux ne reposaient plus sur la naissance, mais sur la propriété, et qu’en mobilisant la propriété, en la débarrassant des restrictions auxquelles l’avaient soumise le droit coutumier et le droit féodal, elle se flattait de l’avoir rendue accessible à tous.

On ne peut s’étonner de ce que les Belges ne se soient pas empressés de jouir de ce droit de suffrage dont elle les dotait. Ils montrèrent autant de répugnance à voter qu’ils en avaient manifesté à accepter des fonctions publiques, et pour les mêmes

  1. Histoire de Belgique, t. V, 2e édit., p. 463 et suiv.