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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/117

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LES ÉLECTIONS DE 1797

ainsi que les membres du Corps législatif (Conseil des Cinq-Cents et Conseil des Anciens).

Cette organisation s’inspire, on le voit, de l’esprit antidémocratique de la réaction de thermidor. Elle fait dépendre de la fortune le droit politique. Mais si elle est censitaire, elle n’en reste pas moins en harmonie avec les principes républicains, tels que les comprend la bourgeoisie nouvelle née de la Révolution. La fortune étant accessible à tous n’est pas un privilège, et l’on ne viole pas les droits de l’homme, on ne fait que les entourer d’une garantie salutaire, en lui donnant dans l’État, le pouvoir que l’Ancien Régime abandonnait à la naissance. « Un pays gouverné par les propriétaires, disait Boissy d’Anglas, est dans l’ordre social ; celui où les non-propriétaires gouvernent est dans l’état de nature »[1].

Tel est le système dans lequel les Belges firent le 21 mars 1797 (1 germinal an V) leur apprentissage électoral.

Pour la première fois, la participation à la vie publique leur apparaissait comme un droit et les assemblées politiques comme des interprètes de l’opinion. Dans ce pays d’autonomies locales si développées, rien, en effet, n’existait plus depuis le XVIIe siècle qui méritât le nom d’élection. Les États provinciaux ou les Conseils urbains se recrutaient parmi un certain nombre de familles, de collèges ou de corporations. Ils reposaient en réalité sur le privilège et s’ils pouvaient se targuer d’être des corps souverains, il n’était pas permis de les considérer comme des représentants du peuple. Seuls, au surplus, le clergé, la noblesse et la bourgeoisie de quelques villes y avaient accès ; les masses rurales qui formaient la grande majorité de la nation en étaient complètement exclues. Dès la fin du XVIIIe siècle des critiques de plus en plus vives s’étaient élevées contre un état de choses dont l’archaïsme heurtait les idées régnantes et plus encore les besoins d’une société en voie de transformation. Une réforme s’imposait. Il était impossible de tenir plus longtemps à l’écart de la vie politique ces hommes nouveaux que l’industrie et le commerce avaient enrichis et qui

  1. A. Aulard, Hist. politique de la Révolution française, p. 550 (Paris, 1901).