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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/124

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LA RÉUNION

et d’un respect incontestés et où l’idée même de la tolérance religieuse paraissait impie. Sans doute, l’exercice de tous les cultes était libre, mais il était si étroitement confiné à l’intérieur des églises, si sévèrement proscrit en public, qu’il semblait que la législation le considérât comme une provocation ou un scandale. Il était interdit à tous les prêtres de percevoir des taxes cultuelles, de se mêler des fonctions d’officier d’état-civil, de faire de l’agitation politique. Et, pour garantir leur soumission à la République, on leur imposait quelques jours plus tard (5 septembre) un serment de haine à la royauté.

Cette dernière exigence déchaîna la tempête. Seuls quelques ecclésiastiques qui avaient adhéré jadis, sous l’influence de leurs tendances jansénistes, au fébronianisme de Joseph II, consentirent à prêter serment. Comme Huleu, le vicaire général de Malines, comme le savant Ernst, c’étaient des hommes pieux, rêvant d’une réconciliation de l’Église avec l’État et les « lumières du siècle ». Ils expliquèrent leur conduite dans des brochures ; leurs adversaires répondirent, et une polémique amère et irritante s’engagea. L’opinion publique n’était que trop disposée à s’exaspérer. La question du serment fut l’exutoire des passions politiques et du mécontentement général. L’étroitesse et l’intransigeance des idées religieuses, jointes à l’irritation provoquée par les journées de fructidor, soulevèrent la nation presque tout entière contre les « jureurs ». Obligé de prendre parti, le cardinal de Franckenberg les condamna, tout en offrant de promettre sous serment de ne jamais coopérer au rétablissement de la monarchie en France. Mais le Directoire ne pouvait consentir à un compromis qui eût été une preuve de faiblesse. Le vieux prélat fut expulsé et déporté au delà du Rhin. Ce départ (20 octobre 1797) privait la Belgique de son dernier évêque, tous les autres ayant émigré ou étant morts depuis peu. La disparition de la hiérarchie catholique coïncidait ainsi dans le pays avec le déchaînement de la crise religieuse.

Soutenu par les fidèles, le clergé fit preuve d’une invincible opiniâtreté. Presque partout, l’immense majorité des prêtres refusa le serment. Conformément à la loi, les