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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/125

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VEXATIONS ANTI-RELIGIEUSES

autorités durent ordonner la fermeture de leurs églises. Les fidèles s’attroupaient devant elles, il fallait les disperser par la force ; des bagarres éclataient sur tous les points du territoire. Seul le département de l’Ourthe ne fut point gravement troublé. Mais dans les campagnes flamandes, la résistance était unanime. À Anvers, le 2 octobre, le citoyen Roché était massacré par la foule.

À cette opposition le gouvernement répondit par une recrudescence de mesures policières. Le 26 septembre, il réitérait la défense de porter le costume religieux, « costume bizarre qui ne tend qu’à ranimer les étincelles d’une dangereuse superstition ». Il interdisait, le 3 octobre, la sonnerie des cloches. Le 25, il supprimait l’université de Louvain et, le 25 novembre, il abolissait dans les neuf départements les « chapitres séculiers, bénéfices simples, séminaires, ainsi que toutes les corporations laïques des deux sexes », afin de ne pas « rompre l’uniformité des principes républicains ». Par ordre, les autorités empêchaient d’organiser des fêtes populaires le dimanche, sauf quand il tombait le jour du décadi. Elles faisaient enlever les croix des clochers au péril de la vie des ouvriers, que les habitants indignés essayaient d’éblouir d’en bas au moyen de miroirs[1].

En fait, la célébration du culte catholique avait cessé. Par scrupule de conscience, les fidèles les plus fervents préféraient s’abstenir de la messe plutôt que d’assister à celle des prêtres jureurs. Pour eux la religion ne se pratiquait plus que de façon précaire et clandestine, dans des chambres reculées, où l’officiant se glissait par un escalier dérobé. Dans les contrées proches de la frontière, les habitants cherchaient le dimanche à tromper la surveillance de la gendarmerie pour aller entendre à l’étranger le service divin. Dans beaucoup de villages, où, grâce à la complicité de l’agent municipal, l’église restait ouverte, les paysans s’y réunissaient pour se donner l’illusion de la messe en priant ensemble. Ailleurs, c’était au cimetière que se tenait l’assemblée. Parfois, le curé insermenté

  1. A. Bergman, Geschiedenis der stad Lier, p. 452 (Lierre, 1873).