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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/136

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LA RÉUNION

fait grand peur au gouvernement. Les forces mobilisées contre eux ne furent que de médiocre importance et somme toute vinrent facilement à bout d’une lutte vraiment trop inégale. Cependant la répression fut impitoyable. Jusqu’à la fin de 1799, des centaines de malheureux furent condamnés par les Conseils de guerre à la guillotine ou à la fusillade. Des otages répondirent sur leur tête de la tranquillité du pays. Le tribunal de la Somme fut chargé de recevoir les plaintes des victimes de la révolte et d’infliger des réparations collectives aux communes coupables.

Le clergé expia cruellement les sympathies qu’il avait montrées à « l’armée catholique ». L’occasion était bonne de mater définitivement les « coquins sacerdotaux ». Le 4 novembre 1798, un mois avant la fin des troubles, neuf arrêtés collectifs conçus dans les mêmes termes, accusant les « prêtres et moines des départements réunis » de s’être montrés les plus cruels ennemis de la France, d’avoir « avili les institutions républicaines, aigri les passions…, dénoncé les fonctionnaires publics au poignard des assassins… et organisé l’insurrection générale qui vient d’éclater dans ces contrées », condamnaient à la déportation 7,478 d’entre eux. On n’en put saisir que quatre à cinq cents qui furent internés aux îles de Ré et d’Oléron[1]. Pêle-mêle on avait inscrit sur les listes tous les prêtres insermentés, et l’énormité même du chiffre des bannis ne permettait pas de songer à les atteindre tous. Évidemment, on avait voulu terroriser et forcer au silence ce clergé indomptable. Les autorités municipales, parfois même les Commissaires départementaux chargés de l’exécution des arrêtés ne les appliquèrent qu’avec mollesse sinon avec répugnance. Si quelques-uns firent du zèle, beaucoup fermèrent les yeux et laissèrent les habitants cacher leurs prêtres. « On ne sait lequel doit le plus surprendre, écrivait le Commissaire du département des

  1. De la Gorce, op. cit., t. IV, page 264 et suiv. ; Lanzac de Laborie, op. cit., t. I, p. 237 et suiv. ; Victor Pierre, op. cit. ; A. Thys, La persécution religieuse sous le Directoire (Anvers, 1898). Sur l’existence des déportés, voy. le curieux journal de A. de Braeckenier, Description de la route et du lieu d’exil, publ. par A. de Mets (Anvers, 1913).