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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/135

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FIN DE LA GUERRE DES PAYSANS

Les survivants s’enfuirent en désordre à travers les morts et les blessés qui encombraient les rues, et la cavalerie française n’eut plus qu’à les « hacher » le long des routes. La guerre des paysans était finie : elle avait duré un peu moins de deux mois. Durant quelque temps, des bandes de désespérés errèrent encore par les bois, poursuivis par les colonnes mobiles. Puis ces derniers remous de l’agitation s’apaisèrent : avant le commencement du printemps, l’ordre régnait de nouveau dans les campagnes.

On ne peut s’étonner ni de l’issue ni de la courte durée de la lutte. Elle ne rappelle en rien l’insurrection de la Vendée ou celle qui devait, en 1808, éclater dans le Tyrol. Les Vendéens prirent les armes au moment où la guerre civile déchirait la République ; l’Angleterre leur faisait passer des munitions et de l’argent ; des nobles et d’anciens officiers les dirigeaient et la confiance dans le retour du roi soutenait leur énergie. En Tyrol, le loyalisme traditionnel pour la maison de Habsbourg et l’attachement aux antiques libertés locales, n’expliquent pas seuls le succès de la révolte[1]. Elle fut favorisée par la nature de ce pays de montagnes et il ne faut pas oublier que sans les troupes régulières de l’archiduc Jean et l’habileté des mesures prises par le marquis du Chasteler, Andréas Hofer n’eut pas eu, peut-être, plus de bonheur que Rollier. De ces circonstances favorables, tout manqua aux paysans belges. Avec les Tyroliens et les Vendéens, ils n’eurent de commun que le catholicisme, la haine de la conscription et le courage. Privés de tout secours extérieur, abandonnés par la noblesse et la bourgeoisie, ne pouvant compter et d’ailleurs ne comptant pas sur l’Autriche, ils devaient fatalement succomber sans retard au moindre effort du pouvoir militaire. Ce fut une fronde campagnarde, un mouvement de simples conduits par des simples, vif et court comme un feu de paille. Les insurgés n’avaient que trop raison de compter sur le miracle ; c’en eût été un que leur succès. Il ne semble pas même qu’ils aient

  1. Sur le vrai caractère de celle-ci, voy. von Voltelini, Forschungen und Beiträge zur Geschichte des Tiroler Aufstandes im Jahre 1809 (Gotha, 1909).