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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/139

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DÉCOURAGEMENT GÉNÉRAL.

à peine introduites, la réforme du notariat et celle du régime hypothécaire[1]. On reconnaissait que l’organisation judiciaire présentait des garanties jadis inconnues. Le jury était devenu tout de suite populaire et, grâce à lui, bien des ennemis du gouvernement et bien des prêtres avaient été acquittés[2]. Quant à la suppression des dîmes, des droits féodaux, des péages, on l’avait certainement reçue comme un bienfait. On se fût même accommodé sans doute de la séparation de l’Église et de l’État si elle n’avait été le prétexte de la persécution religieuse. En somme, ce n’était pas tant le régime que l’on trouvait odieux, que la manière dont il était appliqué. On était excédé et dégoûté de se sentir sous le joug. Proclamés Français, les Belges s’indignaient de n’être point traités comme tels. Ils ne sentaient que trop leur subordination et qu’en fait ils restaient les sujets de leurs nouveaux compatriotes. Pourquoi leur refusait-on de présider eux-mêmes à l’exercice des droits qui leur avaient été octroyés ? Pourquoi étaient-ils écartés, dans leur patrie, de tous les postes importants ? Il n’était personne qui ne se plaignît d’être administré « par des individus venus de l’intérieur de la France, sans moyens d’existence sur le sol qui les a vus naître, étrangers aux mœurs, aux coutumes du pays, dénués de toute connaissance locale, qui, pour la plupart, regardant leur mission comme des privilèges pour vexer, en aggravaient le poids par la manière dont ils la remplissaient et qui, après être entrés dans le pays dans un état de dénuement absolu, y insultaient à la misère commune par le luxe scandaleux qu’ils étalaient ou s’en retournaient chargés des dépouilles de ses habitants »[3].

Protestations aussi justifiées qu’inutiles ! Ceux qui les formulaient ne remarquaient pas que le gouvernement n’eût pu y satisfaire qu’en abdiquant devant eux. Il était trop évident

  1. Dans le Compte rendu de sa mission, p. 17, il dit que « les départements réunis paraissent plutôt disposés à devancer les anciens qu’à demeurer en arrière sur cette salutaire institution ».
  2. Voy. la Correspondance de Bouteville aux Archives générales du royaume, reg. I, n° 60 ; A. Orts, La guerre des paysans, p. 48.
  3. Lanzac de Laborie, op. cit., t. I, p. 299.