Aller au contenu

Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
LE NOUVEAU RÉGIME

de le soutenir, du moins n’en avaient-ils aucun de désirer sa chute. Pour la première fois depuis Jemappes, ils se sentaient rassurés tant pour leurs personnes que pour leurs biens ; ils respiraient à l’aise. À vrai dire, ils n’éprouvaient aucune sympathie pour un gouvernement qui les avait ramenés au niveau commun et, du moins au début, se targuait volontiers de ses origines révolutionnaires. Mais à partir du jour où Napoléon proclamé empereur sembla revenir à l’Ancien Régime et afficha de plus en plus ouvertement ses tendances monarchiques, beaucoup d’entre eux cessèrent de bouder un pouvoir qui prodiguait ses avances à l’aristocratie. L’exemple de la noblesse française ne justifiait-il pas ce revirement ? Peu à peu, les membres des anciennes familles acceptèrent des emplois. Le comte de Mérode-Westerloo et le duc d’Ursel furent maires de Bruxelles, le comte Duval de Beaulieu, maire de Mons, le baron de Sélys-Longchamps, maire de Liège ; d’autres se laissèrent nommer au Corps législatif ou au Sénat. Pour manifester leur loyalisme, les parents donnèrent à leurs fils le nom de Napoléon et à leurs filles celui de Marie-Louise.

Les mérites de l’administration contribuèrent largement, sans doute, à ce résultat. Il est incontestable que le choix des préfets fut en général très habile[1]. Bien rares ceux d’entre eux qui, comme l’Alsacien Birnbaum, dans les Forêts, ou le général Ferrand, dans la Meuse-Inférieure, durent être remplacés au bout de quelques mois. Pour la plupart, ils s’acquittèrent de leurs fonctions avec autant de zèle que de dévouement et d’intelligence. Ce furent des modèles achevés de fonctionnaires. Ils initièrent la Belgique aux méthodes administratives de la vie moderne, et la bureaucratie a conservé jusqu’à nos jours, avec une persistance dont l’obstination même leur fait honneur, les formes qu’ils lui ont imposées. Membres de l’ancienne noblesse comme Doulcet de Pontécoulant, de Chaban, La Tour-Dupin ou d’Houdetot dans la Dyle, comme de Viry ou Chauvelin dans la Lys, comme d’Herbouville ou

  1. Sur les préfets, on consultera, en l’absence de monographies, les renseignements que donne Lanzac de Laborie, op. cit., t. I, p. 313 et suiv., et t. II, p. 7 et suiv.