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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/168

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LE NOUVEAU RÉGIME

ses inconvénients. Rien, d’ailleurs, ne le rappelle plus à la génération qui grandit. Son mépris et son inintelligence de l’Ancien Régime sont comparables à ceux des humanistes du XVIe siècle pour l’art « gothique » du moyen âge.

Avec Napoléon, Joseph II a triomphé en Belgique. Presque tout ce qu’a voulu faire ce dernier est fait, et l’on s’aperçoit maintenant de l’utilité des réformes que l’on avait jadis si obstinément combattues. Le despotisme éclairé l’a emporté, mais il reste pourtant le despotisme. Là est le point sensible et douloureux, la gêne quotidienne à laquelle on se résigne sans l’accepter. Mais que faire ? La force du gouvernement est trop grande pour ne pas décourager toute velléité d’opposition. L’attitude du pays en 1809, lors du débarquement des Anglais dans l’île de Walcheren, est bien caractéristique de l’apathie avec laquelle il supporte son sort. Elle l’a laissé dans une indifférence qui paraîtrait étonnante si elle ne s’expliquait par deux craintes contradictoires. La victoire ou la défaite de l’empereur paraissent, en effet, également redoutables : sa victoire, parce qu’elle prolongera la servitude de la nation, sa défaite, parce qu’elle anéantira tous les avantages dont on jouit et qu’elle lancera de nouveau la Belgique dans les affres de l’inconnu et de l’incertain. Ainsi tiraillée en sens divers par ses appréhensions, la population est restée immobile et l’on pourrait croire qu’elle s’est désintéressée des événements. Elle n’a donné nul signe de joie en apprenant la prise de Flessingue par lord Chatam (9 août 1809) ; mais aussi elle a répondu avec une tiédeur significative aux appels du gouvernement pour la levée des gardes nationales. Visiblement, elle attend et elle se réserve. Et pourtant la situation est grave. Napoléon combat en Autriche et s’il vient de remporter la victoire de Wagram (6 juillet 1809), elle a été bien chèrement achetée. Que serait-il arrivé si les Anglais, profitant de l’insuffisance des forces commandées en Belgique par Bernadotte, avaient pu s’emparer d’Anvers ? Mais décimés par la maladie et conduits par un chef incapable, il fut bientôt évident que leurs efforts n’aboutiraient pas. Ils reprirent la mer le 30 septembre sans avoir même mis le pied sur le sol belge, et, peu après, la