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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/185

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ACCROISSEMENT DE LA POPULATION

contribuable au lieu de payer davantage, payait moins[1]. Ici, comme en tant d’autres domaines, il faut le redire encore, l’abolition des pratiques surannées de l’Ancien Régime répondait aux nécessités de la vie moderne, au vœu que les économistes et les capitalistes, bien avant 1789, ne cessaient de formuler.

La Belgique en devait fournir la preuve dès que le coup d’État de brumaire l’eut enfin placée dans les conditions d’existence normale. La stabilité des institutions, l’établissement de l’ordre, la restauration de la sécurité publique y ramènent avec une rapidité surprenante la confiance et l’énergie. Le retour de la paix intérieure avec l’avènement de Bonaparte produit les mêmes conséquences qu’en 1748, le retour de la paix avec l’étranger. Mais il les produit beaucoup plus vite, parce que tout à coup, sur le terrain préparé par les institutions nouvelles, l’activité économique se déploie sans entraves. Depuis 1800 jusque vers 1810, le progrès s’accomplit avec tant de vigueur qu’il imprime au pays une physionomie nouvelle dont les traits principaux persisteront depuis lors. C’est à cette époque que s’ouvre l’histoire de l’industrie moderne de la Belgique.

L’accroissement de la population est la marque la plus irrécusable de cette renaissance. Sous Bonaparte, comme jadis sous Philippe le Beau, il atteste que le pays a surmonté la crise par laquelle il vient de passer. Les chiffres abondent qui confirment son relèvement et l’on a plaisir à les voir s’aligner dans leur éloquence muette. De 1801 à 1816, le département

  1. D’après un rapport évidemment exagéré de Felz à Metternich, la Belgique rapportait 20 millions sous le régime autrichien et de 150 à 160 millions sous Napoléon ! Colenbrander, Gedenkstukken (1813-1815), t. I, p. 328. — Faipoult, op. cit., p. 124, constate que le contribuable paye moins en 1805 qu’en 1789, mais qu’il ne le croit pas, parce que l’impôt direct est plus fort. Cf. dans le même sens van der Mersch, op. cit., p. 162. Voy. dans P. Verhaegen, op. cit., t. II, p. 501, une évaluation du produit des impôts en 1810. Elle aurait atteint la somme de 76 millions, donc la moitié de la supputation de Felz. Il ne faut naturellement pas attacher d’importance aux plaintes des contribuables : elles sont les mêmes sous tous les régimes. Il est d’ailleurs probable que l’impôt français a été plus lourd dans le pays de Liège et dans le Namurois, fort peu taxés sous l’Ancien Régime, que dans la Flandre qui l’était beaucoup. De plus, il a dû peser particulièrement sur les classes pauvres, à cause du grand nombre des taxes indirectes.