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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/217

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LA PRESSE

publié sans licence, et le gouvernement a le droit de supprimer sur-le-champ toute feuille qui lui paraîtrait hostile au « pacte social ». Une circulaire de Fouché, en 1807, interdit aux journalistes d’insérer « aucun article quelconque relatif à la politique, excepté seulement ceux qu’ils pourront copier dans le Moniteur ». Et là-dessus, le zèle des préfets s’emporte. Pour mieux obéir, ils s’arrogent un droit de censure préalable et se font envoyer avant qu’elles ne soient tirées, les épreuves des gazettes. Les journalistes ne doivent être que les « notaires de l’esprit public ». La moindre incartade, la plus petite « inconvenance de style » attirent sur leurs feuilles un arrêt de mort. D’ailleurs, à partir de 1810, un décret a décidé que, sauf dans la Seine, il n’y aurait plus qu’un journal par département. Et quel journal ! À part ce qu’y laisse passer la préfecture, on n’y trouve plus que des annonces et des anas.

Quant aux livres, on n’en peut introduire de l’étranger sans qu’ils aient subi à la douane un examen dont on peut deviner la compétence et l’esprit. Pour les autres, la censure se montre si impitoyable qu’elle décourage à l’avance les auteurs. Rien n’est épargné. En 1811, dans l’Ourthe, le préfet se fait envoyer les épreuves des almanachs et de ces petits livres « qui sont la bibliothèque du vulgaire et de l’enfance », en vue moins encore d’en écarter les obscénités et la superstition que d’y introduire les louanges de l’empereur[1]. À partir de 1810, pour exercer la profession de libraire ou d’imprimeur, il faut se procurer un brevet du gouvernement. Quant au théâtre, est-il besoin de dire qu’il ne peut jouer que des pièces approuvées par l’autorité ?

Le despotisme le plus étroit et le plus rigide s’impose ainsi à la pensée. La République avait voulu, en s’emparant du contrôle de l’éducation et de la presse, faire des citoyens. Napoléon ne leur assigne plus d’autre but que de dresser, au profit de l’État, des administrés.




  1. Correspondance du préfet de l’Ourthe. Archives de l’État à Liège.