Aller au contenu

Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
199
CONSÉQUENCES DU CONCORDAT

sion, commencée d’ailleurs sous l’Ancien Régime, achevée sous la Révolution et légalisée par le Concordat. Il se courba sous la force et disparut sans bruit. Les moines se confinèrent dans leurs familles ou s’adonnèrent soit à l’enseignement, soit au ministère paroissial. Les religieuses, pieusement associées en petits groupes dans des maisons louées, se consacrèrent à l’instruction des filles, aux soins des malades et à des travaux d’aiguille. En 1808, le préfet de l’Ourthe vantait leur dévouement et rendait hommage à l’innocence de leurs mœurs et de leurs sentiments. Évidemment, la police pouvait dormir tranquille. Il n’y avait rien à craindre des survivants des corporations supprimées : chaque année la mort diminuait leur nombre, et on pouvait prévoir le moment où il n’en subsisterait plus que le souvenir[1].

Quant aux prêtres séculiers, le désintéressement dont ils firent preuve frappa vivement les contemporains. Dans la plupart des communes, la cure avait été vendue comme bien national, et ils s’accommodèrent sans protester d’installations de fortune. La résistance de beaucoup d’entre eux à prêter le serment d’obéissance aux nouveaux évêques ne s’explique que par des scrupules de conscience. Elle mit souvent à une rude épreuve la patience des préfets et provoqua çà et là des violences fâcheuses. À Malines, la police arrêta l’abbé de Lantsheere qu’elle accusait de soutenir les protestataires. Il fallut que Portalis lui-même intervînt pour prêcher le calme et la soumission. Enfin, en 1803, toutes les difficultés furent aplanies et, l’année suivante, l’assistance du pape au couronnement de Napoléon fit disparaître ce qui pouvait subsister encore d’une agitation à laquelle le chef suprême de l’Église enlevait lui-même ses derniers prétextes.

Tandis qu’en 1559, Philippe II n’avait guère désigné que des Belges pour administrer les nouveaux diocèses[2], Napoléon ne nomma que des Français aux évêchés réorganisés par le Concordat. Il agit en cela, et pour les mêmes motifs, comme

  1. Correspondance du préfet de l’Ourthe aux Archives de l’État à Liège, 30 mai 1808.
  2. Histoire de Belgique, t. III, 3e édit., p. 413.