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LA FIN DU RÉGIME

il avait agi pour les préfets. Mais ses choix ne furent pas aussi heureux. Sauf l’évêque de Namur, Mgr. Bexon, qui, âgé de soixante-treize ans, scandalisa ses ouailles par des aventures galantes trop bruyantes, leurs mœurs étaient aussi correctes que leur orthodoxie. Par considération de l’ultramontanisme du pays, on avait eu soin de les recruter tous en dehors du clergé constitutionnel. En revanche, on n’avait tenu nul compte de l’esprit et des traditions du clergé qu’ils allaient avoir à administrer. L’archevêque de Malines, Jean-Armand de Roquelaure, était un prélat d’Ancien Régime, jadis aumônier de Louis XVI, qui, à quatre-vingt-un ans, conservait les allures et les habitudes d’un grand seigneur, et dont « les formes lestes, ouvertes et entièrement françaises, contrastent singulièrement avec les formes lourdes et ténébreuses des prêtres brabançons »[1]. À Gand, Mgr. Fallot de Beaumont se considère bientôt comme en exil et on doit, en 1807, le remplacer par un favori de l’empereur, Mgr. de Broglie. À Liège, l’Alsacien Zaepfel et à Tournai, son compatriote F.-J. Hirn s’adaptèrent plus facilement à l’esprit de leur entourage. Pourtant, cette première rencontre entre des éléments si disparates n’alla point sans froissements de toutes sortes. En 1807, Roquelaure faisait part à Portalis de son intention d’envoyer à Paris ou à Lyon une partie de ses séminaristes « pour franciser la Belgique en peu de temps » Ibid., t. II, p 102. — D’après la marquise de La Tour du Pin, Mémoires, t. II, p. 314, son successeur, de Pradt, aurait dénoncé au commissaire général de la police, les prêtres anti-concordataires.. Au reste, il n’y eut ni éclat ni rupture. L’accoutumance usa peu à peu les premières aspérités du début. Certains évêques se laissèrent même assez rapidement conquérir par leur clergé. Hirn à Tournai et de Broglie à Gand ne tardèrent pas à tomber sous l’influence de leurs grands vicaires, Duvivier et van de Velde, qui s’étaient signalés jadis par l’outrance de leur opposition aux édits de Joseph II.

Ce que le gouvernement exigeait avant tout des évêques, c’était une conformité absolue à ses desseins et une obéissance

  1. Lanzac de Laborie, op. cit., t. I, p. 410.