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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/232

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LA FIN DU RÉGIME

enfin, par la conscription. Déjà, on remarquait çà et là de fâcheux symptômes[1]. À Bruges, en avril 1813, les conscrits convoqués au conseil de recrutement se mutinent, assomment le chef du bureau militaire, maltraitent les gendarmes et déchirent les registres. La levée des gardes d’honneur excite parmi les familles riches, qui ont déjà dépensé 5 à 6,000 francs pour faire remplacer leur fils, « une sorte de fureur ».

À mesure que le régime français s’impose plus lourdement à elle, la nation se reporte vers le passé. Le souvenir et le désir de l’autonomie, qui s’étaient engourdis durant les années prospères, se réveillent. Par contraste, le régime autrichien paraît aimable et l’on se prend à le regretter. D’ailleurs, après la campagne de Russie, on commence à douter de la stabilité de l’Empire. Des « bruits perfides », colportés par des « malintentionnés », se répandent et égarent l’opinion des habitants des campagnes. Dans la Lys, « à peine la retraite de Moscou fut-elle connue, les personnes qui avaient pu conserver quelque attachement pour le gouvernement autrichien se flattaient ouvertement que la Belgique allait repasser sous sa domination ». Il suffit d’écouter le comte de Mérode : « Alors, dit-il, on leva les yeux vers le ciel et une lueur d’espérance à laquelle on osait à peine croire nous apparut »[2]). Là même où les habitants ont le cœur « le plus français », dans le département de l’Ourthe, Thomassin avoue, en 1812, que le vœu général est de « former un État séparé »[3]. Évidemment on ne tient plus à la France que par force. Vienne l’occasion, et les neuf départements, travaillés par un mécontentement qui y ranime le sentiment national, s’en détacheront d’un bloc. Déjà on se dit à l’oreille, au mois de mars 1813, qu’il est question de joindre en un seul royaume la Belgique et la Hollande « pour les donner à je ne

  1. Les quelques faits cités ici à titre d’exemples sont empruntés à Lanzac de Laborie, op. cit., t. II, p. 308 et suiv., et à P. Poullet, Quelques notes sur l’esprit public en Belgique pendant la domination française. Messager des sciences historiques, 1895.
  2. Mérode-Westerloo, Souvenirs, t. I, p. 328 et suiv.
  3. Thomassin, Statistique du département de l’Ourthe, p. 218.