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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/233

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ÉTAT DES ESPRITS EN 1813

sais qui ». Au mois d’avril, d’Houdetot, qui vient d’arriver dans la Dyle, s’effraye d’y voir affichés des « écrits incendiaires ». On a écrit « à bas le tyran » à la porte de l’hôtel de ville de Bruxelles. À Anvers, « les bonnes nouvelles se traînent tandis que les autres volent ». L’esprit des campagnes devient inquiétant. Il ne s’y présente pas le tiers des conscrits, et à Jodoigne des bandes de jeunes gens parcourent les rues en criant Vivent les cosaques !

Cependant, la campagne de 1813, ouverte par de nouvelles victoires, empêche les espoirs de se donner carrière. La neutralité de l’Autriche et son offre de médiation pourraient peut-être, enfin, amener la paix. « Elle est l’objet de tous les vœux et de toutes les conversations », car elle panserait les maux dont on souffre. Mais l’entrée de l’empereur François dans la coalition, après l’échec des pourparlers, provoque un revirement décisif. Micoud-Dumont croit que dans l’Ourthe les six dixièmes de la population restent attachés à la France, mais il est sûr que dans les autres départements les huit dixièmes sont contre elle. Et, après la bataille de Leipzig (16-18 octobre 1813), « il en est, dit-il, de l’insubordination comme d’une traînée de poudre ». Les vieilles sympathies autrichiennes du pays de Herve et du Limbourg s’affirment publiquement. On imprime, à Gand, les proclamations de Moreau au peuple français contre Napoléon[1]. Le préfet de la Dyle pense « qu’il ne faudrait qu’une étincelle pour produire de fâcheuses conséquences ». Il supplie le gouvernement de ne pas convoquer la garde nationale sédentaire qui pourrait tourner. Le colonel-major de la gendarmerie d’élite, envoyé en mission dans la 24e division militaire, écrit que « les conscrits que l’on lève dans ce moment marchent avec une gaieté qui ne leur est pas naturelle et disent hautement qu’ils vont au devant des cosaques ».

On devine l’effet que durent produire, au milieu de cette fermentation, les nouvelles du soulèvement de la Hollande et du débarquement du prince d’Orange à Scheveningen

  1. F. van der Haeghen. Bibliographie gantoise, t. V, p. 40.