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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/258

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LA NOUVELLE BARRIÈRE

toute extension de leur part dans des pays allemands et même dans le Luxembourg. Elle taxait Guillaume d’ingratitude et Hardenberg déclarait que les Prussiens étaient les seuls auteurs de l’affranchissement de la Hollande et que sans eux son soulèvement n’aurait servi de rien[1]. Ces accès de mauvaise humeur n’effrayaient pas le prince. Le cabinet de Londres garantissait sa situation. Au mois d’août, le gouvernement anglais, en signant avec lui la répartition des colonies, lui promettait deux millions sterling destinés à la construction des forteresses à ériger contre la France et trois autres millions à affecter aux frais de consolidation du futur royaume.

Des mesures furent prises aussitôt pour prouver à l’Europe que sa « barrière » serait bien gardée. La principale était l’organisation d’une armée. Le 15 août les régiments constitués en Belgique par les alliés étaient fusionnés avec les troupes hollandaises ou plutôt confondues avec elles dans une seule masse, grâce à l’application à ceux-là des règlements en usage dans celles-ci. La discipline, pour bien affirmer sans doute la rupture avec la tradition française, rétablissait pour les soldats la peine de la bastonnade. En revanche, les commandements importants furent réservés à des Hollandais, comme Chassé ou Trip, formés au service de Napoléon. À côté d’eux, d’autres officiers généraux, comme de Constant Rebecque comme Cruykenbourg et le duc de Saxe-Weimar, sortaient du service des alliés. Le fils aîné de Guillaume, le prince d’Orange, qui avait brillamment combattu en Espagne avec Wellington, recevait aussi un commandement.

Pour les Belges sans doute, cette armée, dont l’état-major ne renfermait que bien peu de leurs compatriotes et dont le drapeau portait les couleurs de la maison d’Orange, apparaissait comme une armée étrangère. Mais leurs soldats, comme leur territoire, pouvaient-ils être, dans les conditions où l’on se trouvait, autre chose qu’un « accroissement » ? En somme, on avait fait tout ce qu’il était possible de faire. C’était déjà beaucoup que d’avoir pu constituer rapidement une force d’à peu près 30,000 hommes.

  1. Gedenkstukken 1813-1815, p. 718.