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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/268

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L’AMALGAME

résolue à sacrifier leurs désirs à ses convenances. Les Hollandais avaient été aussi soigneusement exclus que les Belges des conciliabules secrets où leur sort s’était décidé. Le temps était passé où leurs plénipotentiaires traitaient d’égal à égal avec les rois. Seul, Guillaume avait été admis, non pas même à délibérer avec les puissances, mais à discuter avec elles du rôle qu’elles lui assignaient et qui convenait trop bien à son ambition pour qu’il pût y renoncer. Ce n’est pas d’ailleurs comme prince-souverain de la Hollande, mais comme futur roi des Pays-Bas qu’il avait pris part aux négociations. Sauf quelques conseillers intimes, personne ne savait, pas plus à Amsterdam qu’à Bruxelles, quelles conditions il avait dû accepter.

Il était trop avisé pour se dissimuler les difficultés de sa tâche. Elles apparaissaient si nettement qu’elles effrayaient tous ceux qui songeaient à l’avenir. Beaucoup d’hommes d’État pensaient qu’il était au moins prématuré de contraindre les Belges et les Hollandais à une union qu’il ne suffisait pas de proclamer « intime » pour qu’elle le fût. Quelle chance y avait-il de faire naître l’intimité au milieu du désaccord des idées, des sentiments et des intérêts ? Lord Liverpool se demandait si le plus sage n’eût pas été de traiter provisoirement la Belgique en « État distinct, mais annexé à la Hollande et soumis au même souverain »[1]. Guillaume lui-même et la plus grande partie de son entourage inclinaient dans le même sens, c’est-à-dire pour un simple régime d’union personnelle qui eût permis de ne faire violence ni à l’un ni à l’autre des deux conjoints.

Mais excellent sans doute si l’on se plaçait au point de vue des Pays-Bas, ce système apparaissait inadmissible du point de vue de l’Europe. Ce qu’elle voyait dans le nouveau royaume c’était une barrière contre la France, et il était indispensable

  1. Ibid., p. 588. Encore en 1817, les ministres d’Autriche, de Prusse et de Russie pensaient que la séparation administrative s’imposait, mais l’Angleterre ne voulut rien entendre. Voy. à ce sujet un curieux mémoire de Roëll dans Gedenkstukken 1815-1825, t. III, p. 66 et suiv. Cf. encore Ibid., p. 356, 388, 496, 509.