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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/269

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DISPOSITIONS DES BELGES

qu’il appliquât toutes ses forces à remplir la mission qui lui était dévolue. Le diviser en deux moitiés autonomes, c’eût été, en l’affaiblissant, lui enlever toute utilité. Car si le dévoûment de la Hollande était acquis au roi, les Belges montraient à son égard les dispositions les moins rassurantes. Ils s’étaient courbés sous Napoléon, mais ils ne se courberaient certainement pas sous Guillaume. Ils eussent peut-être accepté un archiduc en raison du droit héréditaire. Mais ils s’indignaient de se voir imposer un étranger et par surcroît un calviniste. Pourquoi ne les jugeait-on pas dignes de l’indépendance ? Si on leur déléguait un prince, qu’on les laissât au moins libres de prendre des garanties et de limiter son autorité. Sur ce point tous les partis s’entendaient, et la diversité de leurs vues avait pourtant ceci de commun de les unir en une même hostilité contre la puissance du souverain. Les démocrates souhaitaient un gouvernement parlementaire. Les conservateurs, par la voix des vicaires généraux de Gand, demandaient au Congrès de Vienne l’autorisation de réunir les notables du pays « en États, suivant la forme qui serait jugée la plus convenable et autant que possible analogue à l’ancienne Constitution des peuples belges, afin de traiter ensemble de leurs plus chers intérêts ». Et ils proposaient que cette assemblée conclût avec le prince un pacte solennel qui eût pour principal objet le maintien inviolable de la religion catholique apostolique et romaine et de tous les avantages dont elle avait constamment joui avant l’invasion des Français[1].

Partisans et adversaires de la Révolution arrivaient donc par des voies différentes au même but : la subordination du pouvoir à leurs desseins. Leur agitation exaspérait les Anglais. Lord Castlereagh appelait les Belges « an irascible people », et lord Clancarty les taxait dédaigneusement de « peuple vain et futile toujours disposé à trouver tout mauvais »[2].

Pourtant, il fallait bien tenir compte de leurs dispositions. S’il ne pouvait être question de leur conférer une autonomie

  1. De Gerlache, op. cit., t. I, p. 313.
  2. Gedenkstukken 1813-1815, p. 271.