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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/276

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L’AMALGAME

limitée en théorie, l’était encore beaucoup plus en pratique car, en fait, la représentation nationale était directement soumise à l’influence du souverain. Non seulement il nommait lui-même les membres de la première Chambre, mais il pouvait encore intervenir de la façon la plus efficace dans le recrutement de ceux de la seconde Chambre élue par les États-Provinciaux et par suite soumise à la pression des gouverneurs.

Ajoutez à cela que les règlements électoraux fixant le mode d’élection des députés aux États des provinces sont soumis à l’approbation du roi et qu’il nomme lui-même tous les membres de « l’ordre équestre » auquel appartient la nomination du tiers de ces députés. De plus, une partie importante de la législation lui est réservée exclusivement. Toute l’instruction publique ne relève que de lui. Quant aux garanties accordées par la constitution, plusieurs d’entre elles sont provisoirement suspendues. L’inamovibilité de la magistrature doit être réglée par une loi, mais cette loi ne sera promulguée qu’en 1830 ; la liberté de la presse est réglementée par un arrêté pris en 1815 et qui, en fait, la supprime. Enfin, une « addition » décide que toutes les lois resteront en vigueur aussi longtemps qu’elles n’auront pas été abrogées, et comme l’initiative des lois n’appartient qu’au roi, il dépend donc de lui de décider de leur maintien.

Bref, à l’envisager dans la réalité, la Loi fondamentale est en somme une constitution absolutiste, mais dans laquelle l’absolutisme est entouré de précautions contre l’arbitraire[1]. Le pouvoir royal y est pourvu d’une force qui lui permettra d’opérer l’ « amalgame » exigé par les puissances. Par une contradiction assez singulière et qui dévoile le caractère hétérogène de cet État que l’on prétend unifier, le souverain cependant est tenu de se faire inaugurer à Amsterdam et dans une ville des provinces méridionales, et de se transporter d’année en année avec la Cour, les ministères et les Chambres, de Bruxelles à La Haye, rappelant sans cesse aux Belges et aux Hollandais,

  1. Le diplomate prussien Galen observe que « la Loi fondamentale ne sera jamais qu’un jouet dans la main d’un souverain qui veut le pouvoir ». Gedenkstukken 1825-1830, t. I, p. 208.