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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/277

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LA LOI FONDAMENTALE REVISÉE

par ce déménagement périodique, la dualité du royaume et la différence de leurs nations.

Si pourtant les commissaires belges finirent après de violents débats par accepter la Loi fondamentale, c’est qu’elle leur donnait satisfaction en un point essentiel. Elle choquait leurs idées politiques, mais elle s’accordait avec leurs idées sociales. En tant que propriétaires, notables et censitaires, elle les rassurait par son caractère anti-révolutionnaire et anti-démocratique. Ils se résignèrent à abandonner le gouvernement au pouvoir royal, parce qu’il apparaissait comme le protecteur de leur propriété ancienne ou récente, de leurs droits acquis, de leur prépondérance économique. Acheteurs de biens nationaux, nobles et bourgeois de vieille souche étaient assurés par elle de conserver leur situation. C’est à eux seuls, au surplus, qu’elle réservait le droit électoral et l’entrée aux États-Généraux. Si maigre qu’elle fût, la participation du pays au gouvernement leur appartenait tout entière.

Quant aux Puissances, elles n’accueillirent qu’avec une désillusion très marquée cette constitution dont il leur fallut bien se contenter. Pour les Anglais, elle était trop peu parlementaire et trop hollandaise. Au gré des souverains absolus, elle n’accentuait pas suffisamment le pouvoir monarchique. L’Autrichien Binder l’appelle « la plus mauvaise constitution qu’on ait jamais fabriquée dans aucun temps et dans aucun pays »[1]. Le Hollandais van der Duyn y voit « un monstre moitié libéral, moitié féodal »[2]. À l’exception du roi qui la considérait comme un « chef-d’œuvre »[3], elle ne satisfaisait personne, et le plus étonnant ce n’est pas qu’elle ait disparu en 1830, mais qu’elle ait pu durer jusqu’à cette date.

  1. Gedenkstukken 1815-1825, t. I, p. 496.
  2. Gedenkstukken 1830-1840, t. IV, p. 198. Voy. encore ibid. 1815-1825, t. III, p. 344, le jugement très intelligent qu’il porte sur elle.
  3. Gedenkstukken 1815-1825, t. I, p. 16.