Aller au contenu

Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
268
L’AMALGAME

aussi que ce conflit était inévitable. Il était la conséquence nécessaire de l’ « amalgame » de deux peuples de confessions différentes. Fatalement, le roi des Pays-Bas devait gouverner contre l’Église de Belgique.

La même raison explique aussi qu’il ait favorisé dans l’État les Hollandais au détriment des Belges. Chez eux seulement, il était sûr de trouver ce dévoûment à sa personne et cette concordance de principes qu’exigeait le bien du royaume. Plus instruits d’ailleurs, plus expérimentés aussi que leurs concitoyens du Sud, ils convenaient mieux à un régime dans lequel l’administration était toute-puissante.

Sans doute, en laissant plus de liberté au Parlement, en associant davantage au gouvernement la bourgeoisie belge, eût-on évité bien des froissements. Mais Guillaume, durant son séjour en Angleterre, avait contracté une aversion insurmontable du régime parlementaire. Si « par ostentation » et parfois par nécessité politique, il affecta un libéralisme qui trompa durant quelque temps ses contemporains, il était, comme le remarque très justement Hatzfeld, monarchiste par principe et l’on peut ajouter par tempérament[1]. Son gouvernement personnel était la conséquence et de ses tendances prussiennes et de sa nature intime. Son caractère et ses idées répugnaient également au caractère et aux idées des trois millions de Belges que l’Europe lui avait confiés. Son zèle, sa conscience, sa bonne foi et ses qualités mêmes ne firent que hâter une révolution qui ne surprit que lui. Il lui sembla qu’il gouvernait bien parce qu’il voulait bien gouverner. Au surplus, la prospérité matérielle du royaume ne prouvait-elle pas l’excellence de sa politique ? Il s’y tint malgré les protestations, convaincu de son bon droit et ne doutant pas qu’il suffisait de faire condamner par ses tribunaux les journalistes de l’opposition, pour étouffer le mécontentement public. Ayant la même foi que Napoléon dans la puissance de l’administration, il ne semble

  1. Gedenkstukken 1815-1825, t. I, p. 377. En 1825, von Galen constate que le roi « proclame son adhésion aux maximes modernes de la science politique en théorie, mais se garde bien de les mettre en pratique ». Ibid. 1825-1830, t. I, p. 213.