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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/30

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INTRODUCTION

trouver semblable sursaut de fanatisme, il faut remonter à l’époque des guerres de religion.

Le massacre des prisonniers en septembre 1792 fait penser à la Saint-Barthélemy. Comme jadis aux protestants, on reproche aux aristocrates de pactiser avec l’étranger. Les modérés sont suspects. Tous ceux qui avaient rêvé d’un régime constitutionnel à l’américaine ou à l’anglaise sont aussi honnis que jadis les adeptes de la tolérance religieuse. Dumouriez trahit, Lafayette émigre, la Terreur est à l’ordre du jour, et le gouvernement révolutionnaire asservit la nation pour mieux l’affranchir. Dans une sorte de délire lucide, au cri de « guerre aux tyrans » s’institue la tyrannie. La Convention règne, mais c’est le Comité de salut public qui gouverne.

Un régime aussi terrible ne pouvait être qu’un régime provisoire. L’exaltation dont il est né est un état trop violent pour être durable. Il disparaîtra en même temps que s’apaiseront les passions qui le soutiennent, ou, pour mieux dire, aussitôt que tombera l’accès de fièvre jacobine auquel est en proie la Commune de Paris. Car c’est Paris qui impose à la France, avec la dictature, la démocratie égalitaire des sans-culottes. De l’autonomie administrative et du libéralisme humanitaire de la constitution de 1789, nulle trace ne subsiste. L’une et l’autre sont également suspects et c’est pour y être restés fidèles que les Girondins périront. Pour rallier à Paris les départements, la constitution de 1793 proclame le suffrage universel. Mais au milieu de la tourmente qu’on traverse, elle n’est pas appliquée et la grande ville continue à imprimer au pays les soubresauts de sa violence.

Il ne suffit plus d’avoir soumis l’Église à la nation, on s’en prend maintenant à la religion elle-même. Elle n’est qu’une superstition dangereuse, l’alliée de l’aristocratie et, comme celle-ci, elle doit disparaître. Au reste, ni dans le domaine politique, ni dans le domaine religieux, le gouvernement révolutionnaire n’a poussé ses tendances jusqu’à leurs dernières conséquences. Son représentant le plus complet, Robespierre, n’est pas plus athée qu’il n’est communiste. S’il veut déchristianiser la France, c’est pour l’unir dans le culte de l’Être