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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/327

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LE CLERGÉ SOUS L’INFLUENCE FRANÇAISE

était d’autant plus inquiétante que le gouvernement ne pouvait plus invoquer contre elle des griefs palpables. La Loi fondamentale ne fournissait aucun moyen de s’opposer à la propagande qu’elle exerçait par l’enseignement. Il avait été facile de la combattre et de la vaincre aussi longtemps qu’elle avait tenté de lutter ouvertement sur le terrain politique. Elle devenait insaisissable du moment qu’elle se bornait, sous le couvert de la liberté des cultes, à imprégner de son esprit les fidèles, à agir sur la jeunesse par les écoles et les collèges. Et c’est cela précisément qui préoccupait le roi. Il s’exaspérait de son impuissance à refréner le clergé qui, en soumettant les catholiques belges aux « principes jésuitiques », les soumettait en même temps à l’influence étrangère contre laquelle son devoir l’obligeait impérieusement de les prémunir, puisqu’elle était l’influence de la France. Le péril clérical se doublait à ses yeux du péril français. Alors que tous ses efforts visaient à consolider et à « amalgamer » le royaume, il ne pouvait tolérer « qu’un parti agît d’intelligence avec l’étranger pour le désunir », ni laisser plus longtemps se répandre des principes « tendant non seulement à éloigner la confiance des sujets dans le souverain, mais encore à dissoudre tous les liens qui les attachent à lui, et à exciter dans ses États des troubles sérieux et dont les conséquences ne peuvent être prévues »[1]. Il était convaincu que le gouvernement français entretenait sous main cette agitation si avantageuse pour les visées d’annexion dont il le soupçonnait et que les apparences semblaient justifier.

Imbu comme il l’était de la tradition joséphiste et napoléonienne, il était incapable de comprendre les tendances nouvelles qui se manifestaient au sein du clergé et qui de France se répandaient en Belgique. Son point de vue restait celui d’un Fébronien ; son idéal, la constitution d’une Église nationale, c’est-à-dire respectueuse du droit du souverain et soumise à sa police, comme elle l’était dans les États « mixtes » de l’Allemagne, ou comme elle l’avait été en France aux beaux temps

  1. H. T. Colenbrander, De Belgische Omwenteling, p. 139, 140.