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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/328

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L’INSTALLATION DU RÉGIME

du Gallicanisme. La prétention des jeunes ultramontains d’affranchir la religion de la tutelle de l’État, de rompre l’union traditionnelle du trône et de l’autel pour mettre l’Église à même de s’acquitter, en pleine liberté, de sa mission divine ou, pour employer une expression de Lamennais, d’opposer la puissance spirituelle du pape à la souveraineté humaine et d’entamer « la lutte du parti du ciel contre le parti de l’enfer », lui apparaissait l’aberration monstrueuse d’une doctrine aussi menaçante pour la monarchie que pour l’ordre social. Et puisque l’ultramontanisme français infecte la Belgique par l’intermédiaire des écoles, il n’est d’autre moyen pour arrêter son action malfaisante que de mettre dans les mains de l’État ces écoles qui la déversent sur le pays et, suivant l’exemple salutaire des princes allemands, de revendiquer pour le souverain le monopole de l’instruction.

Aussi bien suffira-t-il sans doute d’éclairer le clergé pour le rallier aux principes du gouvernement, car son ignorance est aussi incontestable que son zèle et sa piété. Là-dessus tout le monde est d’accord ; le nonce du pape et le comte de Mérode constatent et déplorent comme le roi l’instruction rudimentaire des prêtres belges[1]. Une réforme nouvelle de l’enseignement, plus complète et plus radicale que celle de 1815, aura sûrement pour résultat de purger le pays des idées néfastes qui, dans l’opinion de Guillaume, n’ont pu s’imposer qu’à des esprits trop incultes pour en reconnaître l’insanité. Du même coup, on enlèvera au clergé le pouvoir qu’il possède grâce à la liberté de l’enseignement, de former les jeunes générations. L’État doit à ses habitants de les préparer dès l’enfance à le servir et à seconder ses efforts, qui ne tendent qu’à leur avantage et à leur progrès. À l’avance, il sait qu’il peut compter sur l’appui des libéraux dont l’anticléricalisme s’exagère à mesure que s’affirment plus nettement les tendances ultramontaines. Car c’est elles seules qu’il importe de combattre. Guillaume n’est animé contre le catholicisme d’aucune hostilité confessionnelle. Et pour le prouver, au moment même où

  1. Terlinden, op. cit., t. II, p. 221, 238.