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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/330

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L’INSTALLATION DU RÉGIME

elle jouit au détriment de l’État[1]. En conséquence, le roi, invoquant l’article 226 de la Loi fondamentale qui confie l’instruction publique à sa sollicitude, décrète qu’à l’avenir aucun collège ou athénée ne pourra être ouvert sans l’autorisation du département de l’Intérieur, que tous seront placés sous sa surveillance et que nul ne pourra y enseigner à moins d’avoir obtenu à l’une des universités du royaume le grade de candidat ou de docteur ès-lettres. Le même jour était institué, en vue de former « des ecclésiastiques capables pour l’Église catholique romaine », un « Collège philosophique » dont la fréquentation préalable était imposée aux futurs élèves des séminaires. Il était décidé que les professeurs de ce collège seraient nommés par le ministre de l’Intérieur « après avoir entendu l’archevêque de Malines ». Le roi comptait évidemment que Mgr. de Méan ferait preuve de nouveau de la complaisance qu’il lui avait témoignée en 1816, lors de l’affaire du serment, et que l’adhésion du primat de Belgique au Collège philosophique entraînerait sans peine celle du clergé.

Mais comment supposer que ce clergé accepterait des mesures qui lui faisaient apparaître Guillaume sous les traits d’un nouveau Joseph II ? Pour se figurer qu’il se courberait docilement sous la tutelle de l’État, il fallait non seulement avoir oublié la résistance qu’il avait jadis opposée si inébranlablement à Joseph et à Napoléon, mais encore méconnaître la puissance des tendances nouvelles qui lui faisaient rejeter avec horreur toute intervention du pouvoir civil dans le domaine religieux. Tout ce qu’il y avait de plus actif, de plus jeune et de plus vivant dans l’Église devait considérer la conduite du roi comme une provocation intolérable. Au moment même où la liberté devenait le mot d’ordre des catholiques, le gouvernement prétendait les ramener en arrière et leur imposer la tradition du despotisme monarchique. Entre ses principes et ceux du jeune parti ultramontain, aucune conciliation n’était possible. S’il crut que le clergé belge imiterait la déférence

  1. Van Gobbelschroy dit que les arrêtés ont été pris pour combattre l’ultramontanisme, relever l’instruction du clergé et lui donner des idées conformes aux principes de la Loi fondamentale. Gedenkstukken 1825-1830, t. II, p. 507.