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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/342

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LES PARTIS ET LE GOUVERNEMENT

Pour la résoudre par la liberté et en même temps pour terrasser le pouvoir qui s’en faisait un instrument de despotisme, il était prêt à tendre la main à ses anciens adversaires.

En même temps, débutaient dans la carrière politique une foule de jeunes gens que la passion de la liberté emplissait d’une ardeur généreuse. Leur idéalisme, nourri des principes de 1789 et de la déclaration des droits de l’homme, leur montrait dans le régime parlementaire l’aboutissement final de la Révolution dont ils se proclamaient les disciples. C’étaient à Bruxelles, à côté de Ducpétiaux, de Levae, de Jottrand, de Charles de Brouckère, le Louvaniste Sylvain van de Weyer, le Brugeois Paul Devaux, le Luxembourgeois J.-B. Nothomb ; à Liège, Charles et Firmin Rogier, Joseph Lebeau, génération nouvelle dont les cadets avaient vingt ans à peine, dont les aînés pour la plupart n’avaient pas trente ans, et qui par sincérité et désintéressement, au sortir de l’université, s’étaient lancés dans la carrière ingrate et périlleuse du journalisme.

Sous l’action de ces propagandistes bénévoles, la presse s’animait brusquement d’une vie nouvelle. Le Mathieu Lansberg (devenu Le Politique en 1828), était fondé à Liège, en 1824, par les deux frères Rogier ; Le Belge paraissait à Bruxelles en 1826. Les vieux journaux où s’était épanché jusqu’alors le libéralisme ministériel se voyaient avec dépit détrônés par des feuilles nouvelles, débordantes de hardiesse et d’entrain.

En vertu même de leurs principes, les jeunes libéraux ne pouvaient manquer de contracter tôt ou tard avec les catholiques une alliance que leur imposait d’ailleurs l’intérêt le plus évident de leur parti. Ils ne se dissimulaient pas que la lutte qu’ils brûlaient d’entreprendre contre le gouvernement n’avait aucune chance d’aboutir aussi longtemps qu’ils ne pourraient compter que sur leurs forces. Car malgré les progrès qu’elle n’avait cessé de faire depuis l’Empire, l’opinion libérale, confinée dans la bourgeoisie urbaine, n’était que l’opinion d’une minorité dont l’énergie ne pouvait compenser la faiblesse numérique. Aussi longtemps que les catholiques s’étaient obstinés à exiger pour l’Église la prééminence dont elle avait joui sous l’Ancien Régime,