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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/349

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LE PÉTITIONNEMENT

confier leurs enfants à des écoles qu’ils réprouvaient, libéraux et partisans du régime parlementaire devaient également grossir les rangs d’une opposition qui s’adressait à chacun d’eux puisqu’elle s’adressait à tous les Belges.

Mais comment diriger leurs masses contre le gouvernement sans provoquer une agitation révolutionnaire ? Les chefs du mouvement le voulaient irrésistible, mais aucun d’eux ne songeait à le conduire en dehors des voies légales. L’histoire nationale leur rappela-t-elle le compromis des nobles par lequel avait débuté au XVIe siècle l’opposition contre Philippe II ? S’inspirèrent-ils de la campagne d’O’Connell pour l’émancipation de l’Irlande qui enthousiasmait alors les catholiques ? Toujours est-il qu’ils trouvèrent dans le pétitionnement en masse l’arme redoutable à laquelle ils eurent recours. Il fut par excellence leur moyen d’agitation, comme les meetings l’étaient en Angleterre et comme les banquets populaires devaient bientôt l’être en France.

Dès les derniers mois de 1828, sur toute la surface du pays, des propagandistes aussi actifs que désintéressés se mettent à récolter des signatures. Suivant les classes et les opinions, les pétitions diffèrent. Les unes réclament la liberté de l’enseignement, d’autres celle de la presse, ou le rétablissement du jury ou le redressement de quelque grief. Beaucoup d’entre elles, comme les cahiers du Tiers-État de France à la veille de la Révolution, énoncent tout un programme de réformes. La presse soutient le mouvement de toutes ses forces. Pour encourager les timides, des membres de la plus haute aristocratie inscrivent leurs noms en tête des listes. Les gens du peuple signent ou tracent une croix au bas des manifestes qu’on leur présente et que beaucoup d’entre eux ne comprennent pas toujours. Un grand nombre d’adhésions furent sans doute extorquées de l’ignorance ou imposées par le prestige ou par la crainte. C’est le sort commun de toutes les manifestations populaires que de se voir accusées par ceux qu’elles menacent, de n’être que des intrigues de « meneurs ». La presse hollandaise ne manqua pas de tourner en dérision un mouvement qui la surprenait moins encore qu’il ne l’inquiétait ;