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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/350

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LES PARTIS ET LE GOUVERNEMENT

ses railleries ne firent que l’exciter davantage. En quelques semaines plus de 40.000 signatures étaient recueillies et par ballots, les pétitions affluaient à la seconde Chambre des États-Généraux.

La maladresse du gouvernement ne fut pas sans contribuer à un succès si étonnant. N’ayant jamais eu à combattre l’opinion, il en ignorait la puissance. Il crut qu’il suffirait pour l’intimider d’une ou deux condamnations retentissantes. Le procès de Mgr. de Broglie n’avait-il pas, en 1817, mis fin à l’opposition cléricale ? Que l’on fît un exemple, et tout le bruit soulevé par quelques brouillons se calmerait infailliblement. Van Maanen crut habile sans doute de frapper cette fois parmi les libéraux. La défection de leur parti, qui avait si longtemps soutenu le pouvoir, méritait un châtiment qui les amènerait peut-être à récipiscence. Les tribunaux reçurent l’ordre d’agir. Au mois de novembre 1828, Louis de Potter était traduit devant la Cour d’appel de Bruxelles.

Ce choix était caractéristique. De Potter venait, en effet, dans un article du Courrier des Pays-Bas, de tendre la main à ces catholiques, qu’il n’avait jusqu’alors cessé de combattre, et de sonner le ralliement de toute la nation contre le ministère. Cette palinodie aurait peut-être passé inaperçue si le gouvernement, qui la considérait, après tant de marques de bienveillance données à son auteur, comme une trahison, ne lui avait fait en le poursuivant la plus retentissante des réclames. Le procès de de Potter fut en réalité le procès de l’alliance des libéraux et des catholiques. Au lieu de la dissoudre, il la renforça. La condamnation de l’accusé à dix-huit mois de prison et à 1000 florins d’amende le para d’un prestige qui en fit le symbole de l’union nationale. Son nom n’appartint plus à aucun parti : il appartint à tous les Belges. Le verdict porté contre lui parut un défi jeté à toute la nation. Il l’entoura d’une popularité, éphémère sans doute parce qu’elle n’était due qu’aux circonstances, mais qui n’avait eu d’égale ni durant la Révolution au XVIe siècle, ni durant la Révolution brabançonne. L’union persécutée en sa personne en acquit une force irrésistible. La victime de van Maanen devint « l’homme du peuple,