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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/353

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IMPRUDENCES DU ROI

des études à l’étranger. De plus, les sièges épiscopaux de Namur, de Gand, de Liège et de Tournai étaient enfin pourvus de titulaires. Pour calmer le peuple, le gouvernement promettait l’abolition de l’impôt sur l’abatage.

Mais céder à l’opposition, c’est la renforcer. Loin de désorganiser l’union des catholiques et des libéraux, les concessions du pouvoir la cimentèrent en lui donnant conscience de sa force. La conduite du roi ne permettait pas, au surplus, de croire à un revirement sincère de sa politique. Les acclamations qui l’accueillirent au mois de juin, durant un voyage en Belgique, le trompèrent sur les dispositions du peuple. Elles ne s’adressaient qu’à sa personne : il les interpréta comme une adhésion à son gouvernement. Se sentant rassuré, il fut imprudent. À Liège, devant le conseil communal, il se laissa entraîner jusqu’à taxer d’ « infâme » la conduite de l’opposition. Il appelait ainsi sur lui-même les coups que l’on s’ingéniait à ne frapper que sur ses ministres. C’était Philippe II couvrant Granvelle. Et la comparaison s’imposait tellement qu’à l’incartade royale répondit aussitôt une riposte inspirée par l’exemple de ces Gueux du XVIe siècle dont le cours des événements réveillait le souvenir dans les esprits. Il en alla du discours de Liège comme du mot de Berlaymont à Marguerite de Parme. Les mécontents relevèrent l’injure lancée contre eux. Un « ordre des infâmes » fut créé, dont les membres portèrent une médaille avec ces mots en exergue, « fidèles au roi jusques à l’infamie ».

En même temps, de sa prison des Petits-Carmes, de Potter attisait l’agitation. On dévorait ses brochures. La presse se faisait de plus en plus agressive. Les journaux ministériels alimentés par les fonds secrets, perdaient toute influence. Le gouvernement commit la faute de se jeter lui-même dans la mêlée. Une gazette officieuse, Le National, reçut mission de le soutenir (mai 1829)[1]. La direction en fut confiée à un aventurier, Libri-Bagnano, dont la faconde injurieuse ne fit

  1. D’autre journaux avaient été créés déjà sans succès pour défendre le gouvernement : le Janæus à Bréda, l’Observateur à Namur, le Landmansvriend à Gand, qui ne vécurent pas.