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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/354

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LES PARTIS ET LE GOUVERNEMENT

qu’exaspérer le sentiment public. La révélation d’une condamnation infamante jadis subie en France par ce folliculaire, acheva de discréditer les ministres. C’était donc un repris de justice qu’ils chargeaient du soin de leur défense !

Cependant, le pétitionnement reprenait de plus belle. Cette fois, le clergé qui s’était tout d’abord abstenu, se lança ouvertement dans la propagande. Elle eut l’ampleur d’un referendum populaire. Au mois de novembre 1829, on avait récolté environ 360.000 signatures.

La violence de cette crise poussa le roi à une résolution extrême. Il crut le moment venu de risquer le tout pour le tout et de placer les adversaires de sa politique en face de la couronne. Le message qu’il envoya le 11 décembre aux États-Généraux en même temps qu’un projet de loi contre les abus de la presse, était une prise à partie de l’opposition. Il lui signifiait son « opinion personnelle », condamnait le gouvernement parlementaire et la responsabilité ministérielle au nom de la « monarchie tempérée » établie par la Loi fondamentale, attaquait la licence des journaux et faisait l’apologie de sa conduite « libérale et forte qui conservera pour la postérité et pour notre maison les grands exemples de nos ancêtres, dont la sagesse et le courage servirent d’égide à la liberté politique, civile et religieuse des Pays-Bas contre les usurpations d’une foule égarée et contre l’ambition d’une domination étrangère »[1].

Ces paroles étaient plus qu’une déclaration de guerre à l’opposition belge : on eût dit qu’elles étaient choisies pour la braver. En parlant comme il le faisait, le roi n’employait plus le langage d’un souverain des Pays-Bas, mais celui d’un souverain des Provinces-Unies. Que de chemin parcouru depuis son discours inaugural où il représentait Guillaume d’Orange comme un élève de Charles-Quint ! Aujourd’hui, il confondait sa cause avec celle des stadhouders calvinistes. Il ressuscitait

  1. De Gerlache, op. cit., t. III, p. 175 et suiv. Ce message avait été inspiré par le prince d’Orange et van Maanen. Gedenkstukken 1825-1830, t. II, p. 673, 681. Il faut en rapprocher la curieuse conversation du roi avec de Gerlache quelques jours auparavant et que celui-ci a reproduite dans son Histoire du Royaume des Pays-Bas, t. II, p. 16 et suiv.