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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/369

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ÉCHEC DU GOUVERNEMENT EN MATIÈRE INTELLECTUELLE

79. Dans les unes, à la même date, il n’y a que 5,50 individus pour mille dépourvus de tous moyens d’instruction ; il y en a 59 pour mille dans les autres[1].


II

La création du royaume des Pays-Bas, qui a exercé une action si féconde et si durable sur le développement matériel de la Belgique, n’en a exercé presque aucune sur l’état des idées et des mœurs. Au lieu de s’atténuer, le contraste moral du Nord et du Sud n’a cessé de s’accentuer de 1815 à 1830, au point d’en arriver à la séparation des deux conjoints unis contre leur gré par les Puissances. Il fallait que l’incompatibilité d’humeur qui les opposait l’un à l’autre fût vraiment irréductible pour qu’elle ait poussé les Belges à rompre une association qui, au point de vue économique, leur procurait les plus précieux avantages. À n’envisager que les intérêts, la révolution de 1830 apparaît inexplicable ; sa cause profonde est essentiellement d’ordre psychologique.

Pourtant, le gouvernement qui a déployé tant d’intelligente activité pour relever le commerce et l’industrie, ne s’est pas moins attaché, on l’a vu plus haut, à s’emparer des esprits par l’enseignement. Il a créé des universités, des écoles normales, des athénées, et largement répandu l’instruction primaire. Avec persévérance, disons même avec obstination, il a poursuivi le dessein d’éduquer les Belges, comptant que le « progrès des lumières » les concilierait à ses vues et que l’ « amalgame » moral irait de pair avec l’amalgame économique. Et non seulement tous ses efforts ont été vains, mais ils ont tourné contre lui. Par une curieuse ironie du sort, c’est dans ces athénées et ces universités qui devaient former la jeunesse à son service, que les chefs de la Révolution de 1830 ont presque tous fait leurs études.

  1. Quetelet, op. cit., p. 62 et suiv. ; Gedenkstukken 1825-1830, t. II, p. 911 et suiv.