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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/388

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LA SÉPARATION

l’autre des adversaires capitule. Les diplomates étrangers à La Haye ou à Bruxelles ne se font aucune illusion sur la gravité du conflit. Si la légalité n’a pas encore été heurtée de front, on sent qu’elle le sera bientôt. Dès le mois de novembre 1829, le prince d’Orange reconnaît que l’on va à une catastrophe[1]. « Je suis persuadé, écrit en février 1830 le chargé d’affaires du Danemark, que la marche des choses dans ce pays conduit tout droit à l’anarchie pour ne pas dire à la révolution »[2]. Le Français La Moussaye ne pense pas autrement[3]. En véritable parlementaire, son collègue anglais ne voit aucun remède à la situation si le roi ne prend au plus tôt des ministres responsables, n’introduit l’ordre et la clarté dans les finances et « n’adopte pas une balance parfaitement égale entre la Hollande et la Belgique »[4]. L’internonce s’attend au pire, et le cardinal Albani ne se rassure qu’en songeant qu’une révolution ne serait pas tolérée par l’Europe[5]. Mais parmi les chefs du mouvement, déjà les plus avancés ne s’embarrassent plus de ce scrupule. S’ils attendent, ce n’est pas qu’ils hésitent, mais que le moment ne leur semble pas venu encore de recourir à la force.

Les événements de Paris ne firent donc que brusquer un dénouement qui était fatal. « Ce que la révolution belge a de plus mauvais, écrira Bartels, sa date, ne nous appartient pas… Elle est descendue dans les carrefours avant d’avoir suffisamment pénétré les esprits »[6]. Cela paraît la vérité même. Les journées de juillet n’ont pas moins surpris le gouvernement que l’opposition. On flottait entre un coup d’État et une révolution. Elles ont empêché le premier et déchaîné la seconde.

  1. Gedenkstukken 1825-1830, t. II, p. 673.
  2. Ibid., t. I, p. 436.
  3. Ibid., p. 145.
  4. Ibid., p. 172. Cf. ibid., t. II, p. 745.
  5. Terlinden, op. cit., t. II, p. 379, 428.
  6. Ad. Bartels, Les Flandres et la Révolution belge, p. 4, 6.