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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/389

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INFLUENCE DE LA RÉVOLUTION DE JUILLET

II

Si l’alliance des catholiques et des libéraux avait été moins solide, la nouvelle inattendue des journées de juillet eût sans doute provoqué sa dissolution. L’agitation anticléricale qui se manifesta tout de suite à Paris était bien faite pour effrayer le clergé belge. On ne constate pas cependant qu’il ait éprouvé la moindre crainte ni trahi la moindre hésitation. L’union des partis demeura aussi inébranlable après la chute de Charles X qu’elle l’était auparavant. Il n’en faut pas davantage pour montrer qu’entre les révolutionnaires de France et les mécontents de Belgique, il n’existait aucune entente. Manifestement, ceux-ci n’avaient point partie liée avec ceux-là. Loin de chercher à les imiter, ils semblent même, au premier moment, déconcertés par un événement qu’ils n’avaient pas prévu et dont la violence ne fut pas sans leur inspirer quelques appréhensions.

La bourgeoisie s’effrayait du déchaînement des passions populaires. À part de rares démocrates comme de Potter et Bartels, elle ne voyait dans le peuple qu’un auxiliaire et n’entendait ni lui abandonner la direction du mouvement qu’elle avait suscité, ni les profits de la victoire. L’exemple de Paris la faisait réfléchir et la révolution, depuis son triomphe, lui paraissait moins souhaitable. Rogier écrivait dans son journal que la Belgique, plus heureuse que la France, n’avait pas besoin de faire une révolution pour acquérir la liberté[1]. Par un curieux retour des choses, la conséquence immédiate des journées de juillet fut donc plutôt de calmer l’agitation que de la surexciter. On était sur le point de rompre avec la légalité : on résolut momentanément de s’y tenir. Aucune effervescence ne se manifeste. Le 3 août, le prince d’Orange et le prince Frédéric affirment à l’ambassadeur anglais que l’esprit public est excellent. Bruxelles paraît ne s’inté-

  1. E. Discailles, Charles Rogier, t. I, p. 181 (Bruxelles, 1892).