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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/392

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LA SÉPARATION

crise, l’intrigue collabora sous main avec l’impulsion sentimentale.

À Paris, le parti du mouvement mettait tout en œuvre pour gagner les Belges à sa cause. Des banquets démocratiques étaient offerts à de Potter et à Tielemans, où l’on acclamait l’affranchissement de la Belgique. Ce que l’on apprenait justifiait les espérances les plus optimistes. Gendebien assurait à la France, en cas d’attaque, un succès complet[1]. Des agents français travaillaient à Bruxelles et y « montaient les têtes ». Peut-être excités par eux, les ouvriers commençaient à protester contre la cherté des vivres. La police notait que l’on voyait circuler dans le peuple des « pièces françaises toutes neuves »[2]. Toutefois, ce n’était là qu’une agitation de surface. Les informateurs du gouvernement ne lui attribuent aucune importance. Les chefs de l’opposition y sont complètement étrangers. Il leur paraît évident que le triomphe en France des idées qu’ils défendent en Belgique, assure leur succès sans qu’ils aient besoin de recourir à l’insurrection. Il augmente leur force en augmentant leur prestige. Ils sentent bien d’ailleurs que si Louis-Philippe n’ose pas les soutenir par les armes, il les soutiendra par sa sympathie. Car leur cause se confond avec la sienne. Il ne pourrait les désavouer qu’en se condamnant lui-même, puisqu’en face de Guillaume, ils se trouvent dans la même position que lui-même vis-à-vis de Charles X. Le roi des Pays-Bas hésitera certainement à refuser plus longtemps aux Belges le régime parlementaire et constitutionnel que vient d’accepter le roi des Français. Dès le 18 août, reprenant le mot de Louis-Philippe sur la Charte, le Courrier de la Meuse écrit que la Loi fondamentale va devenir enfin « une vérité ».

  1. De Potter, Souvenirs personnels, t. I. p. 123. Cf. Juste, Révolution belge, t. II, p. 189. De Bavay, Histoire de la Révolution belge, p. 140, attribue aux excitations françaises une importance tout à fait exagérée. L’homme le plus influent du mouvement révolutionnaire belge, Louis de Potter, était foncièrement partisan de l’indépendance. Il n’est pas douteux qu’il eût dévoilé dans ses Souvenirs personnels, si médisants à l’égard de ses anciens collaborateurs, les projets annexionnistes de ceux-ci, s’ils avaient été vraiment sérieux.
  2. Gedenkstukken 1830-1840, t. IV, p. 40.