Aller au contenu

Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/395

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
375
INTERVENTION DE LA GARDE BOURGEOISE

nant leurs fusils aux agresseurs. Ça et là quelques coups de feu sont tirés sur la foule sans l’effrayer. Durant toute la nuit, la ville est au pouvoir de l’émeute. Le matin, les troupes l’abandonnent et se retirent sur la place du Palais, d’où elles ne bougeront plus. L’incapacité et la lâcheté de leurs chefs a permis le succès d’une échauffourée qu’il eût suffi d’un peu d’énergie pour écraser.

Cependant la bourgeoisie prend peur. Le soulèvement qu’elle applaudissait la veille au soir, se déchaîne maintenant contre la propriété. On pille partout ; en ville même et dans la banlieue des fabriques sont envahies ; on incendie des ateliers ; on brise des machines à Uccle, à Forest, à Anderlecht. Des agitateurs français fomentent visiblement le désordre. On entend crier : Vive Napoléon ! Vive le duc d’Orléans ! Vive la France ! en même temps que : Vive de Potter ! et : Vive la liberté ! Des groupes chantent la Marseillaise. On remarque aux boutonnières des cocardes bleu-blanc-rouge, et un instant les couleurs françaises ont été arborées à l’hôtel de ville. Le mouvement prend donc les allures d’une insurrection prolétarienne dirigée par l’étranger. Elle alarme en même temps les sentiments conservateurs et les sentiments nationaux de la bourgeoisie. Et contre elle, aussitôt, s’organise spontanément la résistance que les troupes ont été incapables de lui opposer.

Dès le 26 au matin, quelques hommes résolus ont pris comme chef le baron Emmanuel d’Hoogvorst. Ils se rendent à l’hôtel de ville où l’échevin qui remplace le bourgmestre, prudemment parti pour la campagne, leur donne l’autorisation d’organiser et d’armer une garde bourgeoise[1]. De la Schutterij, dont cependant l’intervention s’imposerait, il n’est pas question. Comme l’armée, elle se dérobe ; on dirait que les autorités conspirent contre la légalité. En face de l’anarchie menaçante et de l’abdication du pouvoir, il n’existe plus d’autre moyen de maintenir l’ordre que des mesures de salut public. La destitution du gouvernement est la conséquence nécessaire de son inertie. La bourgeoisie ne se soulève pas contre lui :

  1. Les textes du temps l’appellent aussi garde urbaine ou garde civile.