Aller au contenu

Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/414

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
394
LA SÉPARATION

Belgique un certain nombre d’adhérents, soit parmi les soldats et les fonctionnaires de l’Empire que Napoléon avait « ensorcelés », soit parmi les impatients qui doutaient de la possibilité pour les Belges de l’emporter sur le gouvernement hollandais, soit parmi les exaltés auxquels la France imposait irrésistiblement son prestige. À peine installée, la Commission de sûreté s’inquiétait de leurs menées. Le 11 septembre, elle proclamait la nécessité « de faire converger les opinions et les efforts des citoyens vers un même but patriotique, en sorte qu’ils ne soient détournés de cet intérêt légitime par aucune influence étrangère »[1].

Ce n’était plus aux seuls Bruxellois qu’elle s’adressait. Elle voulait agir « de commun accord avec les autres villes », c’est-à-dire prendre la direction du mouvement national. Mais pour en assurer le succès, elle se voyait forcée à son tour de recommander le calme et la légalité. Comme d’Hoogvorst, elle se défiait des étrangers qui poussaient aux résolutions extrêmes. Elle les engageait à rentrer chez eux ou à se faire inscrire à l’hôtel de ville. Elle recommandait aux industriels de rouvrir leurs ateliers et, pour occuper les ouvriers que leur oisiveté livrait aux manœuvres des intrigants ou des impatients, elle décrétait des travaux à la porte de Hal et à la porte d’Anderlecht.

Cette prudence n’était plus de mise. À mesure que l’agitation se généralisait et attirait à elle la « populace », elle s’imprégnait de tendances démocratiques et républicaines. Ses promoteurs Rogier, Ducpétiaux, Gendebien, Lesbroussart, correspondaient avec de Potter et s’enthousiasmaient à l’idée de fonder la souveraineté du peuple. Ils se laissaient entraîner par les souvenirs de la Révolution française. Déjà des clubs s’ouvraient, où dans un langage renouvelé des Jacobins, on parlait d’arrêter les suspects, de prendre des mesures de salut public et de courir aux armes contre les « tyrans ». Un manifeste accusait le gouvernement de La Haye de pousser à la guerre civile. Il faut, disait-il, « aux résolutions fortes faire

  1. Esquisses, p. 157.