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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/431

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LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE

Pourtant il était indispensable de songer au lendemain et, sous peine de compromettre le triomphe de la Révolution, d’en guider la marche, d’en discipliner les efforts et de lui donner un programme. Maintenant que la bataille des rues était finie et Bruxelles délivré, surgissaient dans toute leur ampleur de nouveaux devoirs : refouler l’ennemi au delà des frontières, généraliser l’insurrection, organiser le pays, faire reconnaître son indépendance non seulement par le roi, mais par l’Europe. Bref, une politique s’imposait à la Révolution, et cette politique ne pouvait qu’être l’œuvre d’un pouvoir volontairement reconnu par les vainqueurs des barricades. Aucun des membres du Gouvernement provisoire ne jouissait d’une popularité ni d’une réputation assez générales pour s’imposer et forcer la confiance et l’enthousiasme au milieu de l’anarchie menaçante[1]. La notoriété de chacun d’eux se restreignait à un groupe ou à un parti. D’Hoogvorst s’appuyait sur la garde bourgeoise de Bruxelles, de Mérode n’était connu que de l’aristocratie catholique ; sauf quelques militaires, personne n’avait entendu le nom de Jolly. Ceux de leurs jeunes collègues van de Weyer, Gendebien et Rogier n’avaient pas encore dépassé les limites de leur ville natale ou l’enceinte des clubs où ils s’étaient fait applaudir. Et à l’insuffisance de leur renommée s’ajoutait encore le désaccord de leurs opinions. Sauf sur la question de l’indépendance nationale, leurs idées divergeaient en tous sens. C’était un amalgame de tendances bourgeoises (d’Hoogvorst), ultramontaines (Mérode), libérales (van de Weyer, Rogier) et francophiles (Gendebien). À l’heure décisive où l’on se trouvait, le Gouvernement provisoire ne possédait évidemment pas la force nécessaire à l’accomplissement de la tâche formidable qu’il avait assumée. Pour être à même d’agir, il devait se faire consacrer par l’adhésion du peuple. Il eut la sagesse de le comprendre.

Le 27 septembre, le jour même de la victoire, il faisait afficher sur les murs l’invitation à Louis de Potter « de rentrer

  1. Voy. à cet égard une lettre de Gendebien à de Potter dans Juste, Révolution Belge, t. II, p. 192.