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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/430

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LES JOURNÉES DE SEPTEMBRE

eurent conscience que ce qu’ils défendaient sur ce tas de pavés, c’était la patrie et la liberté. Leur courage et leur enthousiasme ne le cédèrent pas à ceux dont avaient fait preuve, quelques semaines auparavant, les révolutionnaires de Paris. Le nombre des morts et des blessés atteste suffisamment l’acharnement de la bataille. Pour s’en tenir aux évaluations les plus modérées, il fut de 290 et de 373 du côté des Belges, de 108 et de 628 du côté des Hollandais[1]. Des témoins oculaires comparent la violence de la lutte à celle des combats de Saragosse[2]. Le sentiment national inspira si complètement les gens de toute origine et de toute condition qui y prirent part que nul acte de pillage ou de cruauté ne souilla la victoire. Les prisonniers hollandais furent bien traités. La fureur du peuple ne s’en prit qu’à une église calviniste qui fut dévastée et à la maison d’un Orangiste qu’on incendia. En pleine bataille, le caractère national se montra aussi réfractaire aux emportements de la haine qu’aux rigueurs de la discipline. La nuit venue, les hommes descendant des barricades se retrouvaient à l’estaminet. Le verre de bière coutumier leur était indispensable à la veille de la mort. Et cette bonhomie de leur héroïsme ne fait que le rendre plus touchant.

II

Le Gouvernement provisoire avait pris la responsabilité des journées de septembre, mais il ne les avait pas dirigées. Constitué au plus fort de la lutte, il n’avait eu qu’à laisser les événements suivre leur cours. S’il collabora à la victoire, elle ne fut pas son œuvre et elle n’augmenta ni son prestige, ni son autorité.

  1. De Bavay, op. cit., p. 178. Juste, Révolution Belge, t. II, p. 140, estime le nombre des tués à plus de 400 pour les Belges et à plus de 750 pour les Hollandais. Pour ces derniers, les chiffres que je donne, et auxquels il faut ajouter celui de 165 prisonniers, sont empruntés aux documents officiels utilisés par Buffin, Documents, p. 192.
  2. Gedenkstukken 1830-1840, t. IV, p. 173. Cartwright, loc. cit., p. 68, dit aussi : « The resistance of the people has been far beyond all exemple save perhaps of Saragossa ».