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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/473

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PROCLAMATION DE L’INDÉPENDANCE

une autonomie plus ou moins étendue. En divisant le gouvernement du royaume, mais en maintenant la souveraineté de la couronne, les monarchies absolutistes éviteraient de reconnaître le droit à l’insurrection, l’Angleterre n’aurait plus à craindre de voir la France à Anvers, et la France elle-même, satisfaite de la disparition ou tout au moins de l’affaiblissement de la barrière élevée contre elle en 1815, se contenterait de cet avantage. Peut-être aussi, le prince d’Orange recevrait-il la Belgique à titre de royaume séparé. On savait qu’il intriguait à Londres, et ses chances de succès paraissaient considérables, car, appelé à régner un jour sur la Hollande, il réunirait tôt ou tard les deux parties des Pays-Bas sous le pouvoir de la dynastie. De quelque façon que l’on envisageât l’avenir, il apparaissait donc que la Conférence réservait au conflit l’une des deux issues que les Belges avaient rejetées : soit la séparation administrative, soit une indépendance provisoire et fallacieuse sous le prince d’Orange.

L’une et l’autre méconnaissaient également le sentiment populaire et le principe de la souveraineté nationale. Elles résultaient de nécessités diplomatiques et de combinaisons d’intérêts ; elles s’inspiraient de la force et non de la justice ; elles sacrifiaient la Belgique à la tranquillité de l’Europe. Le Congrès s’empressa de faire entendre la voix de cette Belgique dont les Puissances prétendaient disposer sans la consulter.

Le 18 novembre, reprenant la déclaration du Gouvernement provisoire et la sanctionnant définitivement au nom de la nation, il proclamait à l’unanimité des cent quatre-vingt-huit députés présents et au milieu des acclamations des tribunes, l’indépendance du peuple belge. Par égard pour l’Europe et en considération de ce que la révolution ne s’était faite que contre le roi de Hollande, cette déclaration réservait « les relations du Luxembourg avec la Confédération germanique ».

Le vote du Congrès n’affirmait pas seulement les droits du peuple à disposer de soi-même, il renouait encore la tradition historique. Par-dessus les trente-six années qu’avaient duré sa réunion à la Hollande et son annexion à la France, la Belgique moderne se rattachait à cette Belgique ancienne dont l’autono-