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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/474

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LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE ET LE CONGRÈS

mie, depuis l’époque bourguignonne, s’était conservée sous les rois d’Espagne comme sous les souverains autrichiens. En face de la Conférence, elle fondait son droit à l’existence non seulement sur sa volonté présente, mais sur son passé. Ce n’était pas une nation nouvelle qui sollicitait son entrée dans le monde, c’était une nation ancienne qui, après avoir subi des régimes imposés par la conquête ou la diplomatie, revendiquait l’indépendance dont elle avait été dépossédée. Ce que voulait le Congrès, c’est ce qu’avaient voulu en 1789 les États-Généraux de la Révolution Brabançonne, en 1792, le Comité des Belges et Liégeois unis, en 1814, les négociateurs de Châtillon. Ce que les querelles des partis avaient alors empêché de réaliser, on l’atteignait enfin grâce à l’union des partis dans le sentiment national. Sans doute, si le vote du 18 novembre fut unanime, les tendances ne l’étaient pas. Parmi les députés eux-mêmes, quelques-uns eussent souhaité le maintien du royaume des Pays-Bas sous une forme nouvelle, ou un retour à la France. Ces préférences s’expliquent sans peine. Les uns doutaient que la Belgique, privée des débouchés que les colonies hollandaises avaient fournis à son industrie, pût subsister par elle-même. D’autres se rappelaient la prospérité que le marché français avait jadis donné aux fabriques. D’autres, enfin, ne croyaient pas à la possibilité d’une séparation définitive d’avec la Hollande et, plutôt que de revenir au royaume des Pays-Bas et de retomber sous le gouvernement de Guillaume, préféraient se donner à la monarchie libérale de Louis-Philippe. Ce qui est étonnant, ce n’est pas que ces divergences aient existé, c’est qu’elles n’aient pas été plus nombreuses, et que le sentiment de l’indépendance se soit manifesté si vigoureusement après tout ce que la République française, l’Empire et le gouvernement de Guillaume avaient fait pour l’anéantir.

En votant l’indépendance de la Belgique, le Congrès, s’il froissait la Conférence en prenant les devants sur sa décision et en lui signifiant la volonté du peuple, la rassurait en même temps. Il faisait disparaître, en effet, la crainte des Puissances et particulièrement de l’Angleterre, de voir le pays se donner