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LE PROTOCOLE DU 20 DÉCEMBRE 1830

à la France, mais il laissait subsister la possibilité d’un retour sous la dynastie hollandaise, soit en la personne de Guillaume, soit en celle du prince d’Orange. Tout en admettant l’indépendance de la Belgique, la Conférence pourrait se réserver le choix de son souverain et ce choix n’était pas douteux.

Dès les premières séances du Congrès, quelques membres, pour parer à ce péril, avaient proposé d’exclure la maison d’Orange-Nassau du droit de régner sur le pays. La question ayant été écartée, les Orangistes avaient aussitôt repris courage. C’est pour couper court à leurs menées et pour mettre l’Europe devant un fait accompli, que le député le plus populaire des Flandres, Constantin Rodenbach, la reprit le 23 novembre. Elle souleva une discussion passionnée. Les adversaires de la proposition invoquaient les dangers que son vote ferait courir à Anvers et à Maestricht, les catastrophes qu’elle attirerait sur le commerce et sur l’industrie, l’effet désastreux qu’elle produirait sur l’Europe. Mais le sentiment populaire s’imposait trop violent aux députés pour les rallier à cette argumentation opportuniste. Le 24 novembre, par 161 voix contre 28, le Congrès écartait « à perpétuité de tout pouvoir en Belgique » les membres de la famille d’Orange-Nassau.

C’était provoquer la Conférence que d’empiéter ainsi sur les droits qu’elle s’était réservés. L’impression à Londres fut déplorable. Les libéraux, en revanche, applaudirent à cette affirmation du droit révolutionnaire. Lafayette en l’apprenant, félicita le Congrès d’avoir « si fièrement répondu à l’Europe »[1]. Par bonheur, les événements tournaient à l’avantage de la cause belge. Le 19 novembre, la victoire des Whigs venait de faire succéder, en Angleterre, le cabinet Grey au cabinet Wellington et de donner le portefeuille des affaires étrangères à lord Palmerston. Quelques jours plus tard (29 novembre), l’insurrection de Varsovie empêchait le tsar d’envoyer ses troupes au secours de Guillaume. Il n’était plus douteux désormais que la Conférence consentît à laisser aux Belges l’indépendance qu’ils s’étaient donnée sans la consulter.

  1. Lafayette, Mémoires, correspondance et manuscrits, t. VI, p. 474.