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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/52

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JEMAPPES

doivent interrompre le recrutement de l’armée nationale. Leur propagande en faveur de la Convention tourne visiblement contre son propre but. Le 9 décembre, le « peuple de Grimberghe » y répond en déclarant ne vouloir vivre « que dans la sainte religion catholique », adopter la constitution brabançonne et exiger sans retard l’assemblée des États de Brabant[1]. Et ce qu’ils disent, c’est ce que partout disent ou pensent les « statistes » encouragés par le désarroi de leurs adversaires. L’anarchie du pays ne l’affirme que trop bien. Il semble se dissoudre dans l’éparpillement de l’autorité et le conflit des opinions. Le Hainaut et le Namurois ont constitué des assemblées provinciales, mais, si l’un accepte le régime nouveau, l’autre y est profondément hostile. Partout ailleurs, ne fonctionnent que des administrations locales, presque toutes conservatrices ou, pour mieux dire, réactionnaires. Dans quantité d’endroits on a même cessé de nommer des administrations provisoires et les autorités anciennes demeurent en place.

Au milieu de ce désordre, les clubs, se sentant soutenus par l’opinion parisienne de plus en plus excitée contre Dumouriez, se déchaînent avec fureur. Les Français qui y dominent les inspirent de leurs passions : on y dénonce des officiers « royalistes », on y organise des manifestations bruyantes contre les administrateurs provisoires de Bruxelles, on y acclame la troupe de la citoyenne Montansier que le gouvernement subventionne pour donner des représentations républicaines auxquelles n’assistent que des soldats et des jacobins[2].

Cependant Dumouriez attaque à son tour ses ennemis. Brouillé à mort avec Pache, le ministre de la guerre, il l’accuse de laisser l’armée manquer de tout et de tyranniser les Belges[3]. Surtout il s’indigne et il s’effraye de voir la Convention abandonner cette politique de désintéressement dont

  1. Procès-verbaux des séances des ci-devant représentants provisoires de la ville libre de Bruxelles, p. 178 et suiv. (Bruxelles, 1792).
  2. Dumouriez, Mémoires, t. I, p. 36 (Londres, 1794). Cf. L. H. Lecomte, La Montansier, ses aventures, ses entreprises (Paris, 1905) et un article de H. Monin dans la Revue historique de la Révolution française, t. V, [1914], p. 42 et suiv.
  3. A. Chuquet, Jemappes, p. 134 et suiv.