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Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/318

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reuses. On peut altérer les monnaies, c’est aussi un expédient dangereux. Décréter un impôt nouveau est impossible, tout au plus peut-on créer de nouveaux tonlieux. L’État juridique du Moyen Age manque de l’absolutisme financier. Dès lors, il n’y a qu’une chose à faire, s’adresser au tiers État, c’est-à-dire aux villes, et leur demander d’ouvrir leur bourse. Elles veulent bien payer, mais elles exigent des garanties. L’État ne sait que dépenser et ne sait pas encore se créer de ressources. Il est complètement dépendant de l’impôt et d’un impôt qui l’épuise. Dès le commencement du xive siècle, la nécessité de l’impôt domine la politique du prince, et l’oblige à céder aux revendications des villes et des États qui lui arrachent des privilèges ou vont même jusqu’à prétendre partager son pouvoir ; dans le duché de Brabant la Charte de Cortenberg, la Charte wallonne, puis enfin la Joyeuse Entrée ; la Paix de Fexhe dans le Pays de Liège ; la constitution des Membres de Flandre dans le comté de Flandre, n’ont pas d’autre origine ; en France, elle provoque les troubles de l’époque d’Étienne Marcel. Les États généraux de 1355 essaient de limiter les droits de la couronne ; en 1413, l’Ordonnance cabochienne est imposée au roi par les métiers de Paris ; en Angleterre, l’influence des villes grandit sans cesse dans le Parlement. Le xve siècle est l’époque où la bourgeoisie commence à jouer un rôle politique en temps que classe. Elle se fait sa place à côté du clergé et de la noblesse[1]. En Aragon, les villes s’imposent aussi à la couronne sous Pierre IV (1336-1387). Que l’impôt vienne des villes, cela est visible en Espagne où, sous Alphonse XI de Castille (1312-1358), la guerre contre les Maures fait créer par Burgos l’alcalaba, ensuite étendu à tout le royaume.

Les besoins financiers des princes ont fait du xive siècle un siècle de parlementarisme ou, si l’on veut, d’États. En Belgique, dans toutes les provinces, ils sont annuels. En France, ils s’imposent malgré les répugnances de la couronne. Et toute réunion d’États est toujours en faveur du tiers État. C’est lui seul qui soutient l’institution et qui en profite, parce qu’il dispose des finances. Et c’est lui seul qui pose des conditions et exige des garanties.

Mais il n’est lui-même qu’une classe de privilégiés et sous lui,

  1. Le xive siècle voit commencer l’importance des financiers dans la politique