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Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/368

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frontière qui l’occupât était celle de ses domaines. Au milieu de cet égoïsme universel, Rodolphe n’eût garde de se dévouer à une royauté qui n’intéressait personne. Besogneux et chargé de famille, il se contenta de profiter de la situation qui lui était échue pour faire ses propres affaires ou plutôt celles de sa maison. Totalement dénué d’idéalisme, il trouva que ce serait une duperie de se sacrifier et de quitter le pouvoir aussi pauvre qu’il l’avait reçu. Les circonstances le servirent à souhait. La victoire qu’avec l’aide du roi de Hongrie il remporta au début de son règne sur le roi de Bohême, Ottokar II (1278), laissait vacants les duchés d’Autriche et de Styrie. Il s’empressa de les donner en fief à son fils Albert. Ainsi un heureux hasard apportait tout à coup, à cette petite maison de Habsbourg, les beaux duchés danubiens. Ce fut le seul résultat de la politique de Rodolphe. S’il avait régné sans gouverner, du moins laissait-il à sa famille un bel établissement et un exemple dans l’art de profiter de la fortune dont elle ne devait que trop s’inspirer à l’avenir.

Les électeurs n’avaient nommé Rodolphe que parce qu’il était faible et pauvre. Quoiqu’il les eût déçus, ils le remplacèrent par un roi plus faible et plus pauvre encore et donnèrent la couronne à Adolphe de Nassau (1291-1298). Il était certain pourtant que le bonheur de son devancier allait l’engager dans la voie qu’il avait suivie. Mais il ne fut pas comme lui favorisé par la bonne chance. Faute de mieux, il se résolut à vendre en 1294 son alliance à Édouard Ier contre Philippe le Bel. Les empiétements de la France sur la frontière allemande servirent à colorer ce marché d’un prétexte honorable. Mais ces empiétements lui étaient aussi indifférents que la querelle d’Édouard. Il ne songeait qu’à s’emparer de la Thuringe et les livres sterling qu’il avait perçues ne servirent qu’à défrayer une guerre dont il espérait l’enrichissement de sa maison. Les électeurs n’étaient pas disposés à favoriser un second parvenu. Ils le déposèrent et mirent à sa place Albert, le fils de Rodolphe de Habsbourg (1298-1308). S’inspirant de la tradition léguée par son père, Albert espérait joindre le royaume de Bohême à l’Autriche quand son assassinat, en 1308, fit échouer un plan que la mémoire tenace de ses héritiers ne devait pas oublier.

Pour la troisième fois, un petit prince dont on se promettait de n’avoir rien à craindre, fut appelé au trône. Nommé grâce à l’influence de son frère, l’archevêque-électeur de Trêves, le comte Henri de Luxembourg (1308-1313) appartenait aux Pays-Bas qui, s’ils étaient compris dans les frontières de l’Empire, ne dépen-