Aller au contenu

Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 352 —

daient plus de l’Allemagne que nominalement. Tout pénétré comme ses voisins de Liège, de Hainaut, de Brabant et de Flandre, de la civilisation et des mœurs de la France, et par surcroît d’origine wallonne, il apparut au delà du Rhin comme un pur étranger. Ce fut pourtant ce « Welche  » qui renoua la tradition impériale que le souci de leurs propres affaires avait fait également abandonner par ses trois devanciers. Et son origine même explique assez bien cette initiative. Par là même qu’elle le rendait indifférent aux choses d’Allemagne, elle dut tourner son attention vers celles de l’Empire. Il rêva de la gloire de ceindre à Rome cette couronne que personne n’avait plus portée depuis Frédéric II et, réconciliant l’Empire avec la papauté, de lui rendre dans la paix une majesté nouvelle et bienfaisante.

La nouvelle de sa venue provoqua en Italie un frémissement d’espoir. L’anéantissement des Hohenstaufen n’avait pas rendu le calme aux ardentes cités de la Lombardie et de la Toscane. Sous les vieux noms de Guelfes et de Gibelins, les factions continuaient à les déchirer avec une âpreté à laquelle contribuaient à la fois la divergence des intérêts économiques, les conflits des artisans et des patriciens et les haines de la noblesse. Pise venait de succomber sous les forces de Gênes, et Florence profitait de sa défaite pour soumettre la Toscane à son gouvernement démocratique. En Lombardie, la plupart des villes, épuisées par leurs discordes, acceptaient la « seigneurie » d’un militaire heureux, ou d’un podestat et se résignaient à la tyrannie pour jouir du repos. Les della Torre dominaient à Milan, les della Scala à Vérone, les Este à Ferrare. A Rome, abandonnée par les papes, les Colonna et les Orsini se combattaient avec acharnement. Venise seule, sous sa puissante aristocratie, conservait un calme qui lui permettait de se consacrer avec d’autant plus d’énergie à la guerre maritime qu’elle entretenait contre Gênes.

Henri VII apparut au milieu de ce déchaînement de passions et d’appétits comme le restaurateur de l’ordre et de la paix. Il eut voulu sincèrement réconcilier les partis et se les rallier tous par la justice. Mais comment imposer la justice sans l’aide de la force ? Il n’amenait avec lui que trois à quatre mille chevaliers et l’espoir qui avait salué son arrivée fit place presque aussitôt à la déception. Il se vit, en dépit de ses intentions, obligé de se décider lui-même, pour pouvoir compter sur quelque appui, entre les adversaires qu’il avait rêvé de pacifier. Le roi Robert de Naples, inquiet de le