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Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/385

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dans la suite, d’auxiliaires des Allemands contre les Tchèques. Ottokar fut défait et tué en 1278, à la bataille de Marchfeld. Les duchés du Danube passaient aux Habsbourg qui n’allaient plus cesser désormais de convoiter la Bohême. Les successeurs d’Ottokar ne cherchèrent plus à s’agrandir du côté de l’Allemagne. Ils jetèrent les yeux sur la Hongrie et la Pologne. Wenceslas II (1278-1305) parvint à procurer pendant quelques temps la couronne du premier de ces pays à son fils Ladislas et il obtint, en 1300, celle du second pour lui-même. Avec son fils Wenceslas III, assassiné en 1306, s’éteignait la vieille dynastie slave des Przemislides et s’ouvrait une succession dont le roi des Romains, Albert d’Autriche, s’empressa de disposer en faveur de son fils Rodolphe. Mais cette première tentative d’absorption habsbourgeoise ne devait pas réussir. Rodolphe mourut après quelques mois et l’aristocratie bohémienne élit comme roi le mari de la fille aînée de Wenceslas III, le duc Henri de Carinthie. Ce second Allemand ne régna guère plus longtemps que son prédécesseur. Profitant du mécontentement qu’il n’avait pas tardé à soulever contre lui, Élisabeth, fille cadette de Wenceslas IV, demanda comme époux Jean l’Aveugle, le fils de Henri de Luxembourg qui venait de succéder à Albert d’Autriche comme roi des Romains. Le mariage fut conclu en 1310. Il donnait à la Bohême une dynastie wallonne quelques années seulement après qu’une dynastie française, avec Robert d’Anjou, venait de s’introduire en Hongrie.

Jusqu’alors l’influence allemande n’avait cessé de croître en Bohême. Ses progrès s’arrêtèrent avec l’avènement de la maison de Luxembourg. Quoique Jean l’Aveugle ait passé la plus grande partie de son règne sur les grands chemins de l’Europe, occupé d’intrigues politiques ou d’entreprises militaires qui devaient finalement lui faire trouver la mort à cinquante ans sur le champ de bataille de Crécy, il ne laissa pas d’introduire dans son royaume quantité de gens des Pays-Bas qui, comme conseillers ou fonctionnaires, y firent connaître les pratiques perfectionnées de l’administration française. Son fils Charles IV, chargé depuis 1333 du gouvernement du pays, y continua et y perfectionna l’œuvre commencée. Français d’éducation, de goûts et de langue, ce roi de Bohême, qui fut en même temps roi des Romains et empereur, apparut pourtant à ses sujets tchèques comme un prince national. Il lui suffit pour cela non sans doute de combattre systématiquement l’influence allemande, mais de s’en affranchir. La Bohême étant le centre de sa