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Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/475

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chercher Dieu. Il était sûr d’en posséder la parole dans la Bible, rien que dans la Bible. Il devait consacrer sa vie à la comprendre et à imposer aux hommes les enseignements qu’il y avait trouvés. Le cœur et le sentiment ne jouent chez lui aucun rôle. Il est tout à fait étranger au mysticisme luthérien. La réflexion, le raisonnement, la logique, voilà ses moyen de conviction.

Et sans doute, sa personnalité est pour beaucoup dans cela. Mais qu’on observe pourtant que ce dont la Réforme avait besoin après sa première explosion, c’était d’une doctrine cohérente, claire, rigide ; c’était d’une dogmatique, si l’on peut dire, à opposer à la dogmatique ancienne, et d’une Église propre à combattre l’Église. Elle en avait d’autant plus besoin que le catholicisme désemparé se reprenait, retrempait ses forces au Concile de Trente et préparait une puissante contre-attaque à laquelle elle n’eût certainement pas résisté sans le secours du calvinisme.

Calvin n’avait rien de la nature combative et impulsive de Luther. C’est par le travail de l’esprit qu’il assouvissait ses besoins religieux et il est à peu près certain que, sans les événements qui ont déterminé sa destinée, il n’aurait agi sur le monde que par la plume. Il arrivait à l’âge d’homme comme la royauté française était amenée à prendre parti vis-à-vis de la Réforme.

Elle lui avait témoigné tout d’abord les mêmes sympathies qu’à la Renaissance avec laquelle elle semble l’avoir confondue. François Ier ressentait pour Érasme, à qui il offrit une chaire au Collège de France, une estime qui inquiétait et irritait les théologiens de la Sorbonne. Louis de Berquin, un des disciples de Lefèvre d’Étaples, prêchait à sa cour. Sa sœur, Marguerite professait un christianisme très libre, mélangé de tendances platoniciennes et d’un mysticisme évangélique très voisin du protestantisme. Elle protégeait ouvertement les novateurs, et c’est dans son petit royaume de Navarre que Lefèvre vint achever paisiblement sa carrière. Diane de Poitiers elle-même passait pour incliner aux doctrines luthériennes. Et il est certain que le roi retint assez longtemps l’Université et les Parlements de déployer leur zèle contre l’hérésie. Mais il n’est pas moins certain qu’il ne songea pas et qu’il ne pouvait songer à se brouiller avec la papauté. Le Concordat conclu en 1516 avec Léon X lui assurait sur l’Église française, par le droit qu’il lui reconnaissait de nommer les évêques et les abbés des monastères et par les restrictions qu’il apportait aux appels en cour de Rome, une influence trop avantageuse pour qu’il pût être tenté d’y renoncer. Depuis